Le Fleuve
En Inde, au Bengale, près du fleuve sacré, le Gange, dans une belle et grande demeure, vit une famille de colons britanniques. Harriet est l’aînée des nombreux enfants de la maison. Elle partage ses jours avec ses amies et voisines, Valérie, fille unique d’un riche propriétaire, qui a fait ses études en Angleterre et Mélanie, fille d’un Anglais et d’une Indienne.
Harriet écrit des poèmes, tient son journal intime quotidiennement et l’on devine qu’elle est devenue romancière, puisque c’est de son point de vue rétrospectif que nous suivons les événements racontés dans le film, relatés comme des souvenirs de jeunesse.
Un beau jour, le Capitaine John arrive par bateau. Exilé, étranger parmi les hommes, ayant perdu une jambe à la guerre, il suscite chez les trois jeunes filles leurs premiers émois amoureux. Le Fleuve se présente ainsi comme l’éducation sentimentale d’Harriet, Valérie et Mélanie, qui éprouvent, en chœur, l’amour et la fin de l’enfance.
Le Fleuve, le titre choisi par Jean Renoir (qui est aussi le titre du roman, dont il est tiré) nous l’indique explicitement : le fleuve est la figure centrale du film, autour de laquelle se tisse tout le reste. Le reste, c’est la vie, l’amour, le travail, l’enfance, la jeunesse, la mort, en un mot, peut-être, le temps qui passe. Cette petite chronique familiale et sentimentale se déroule au rythme de ses flots. L’homme, à l’échelle du fleuve immémorial, apprend la sagesse et l’humilité : c’est à travers le prisme des années que l’on regarde les émois de la jeunesse.
Le fleuve est une divinité. Tout vient du fleuve et y retourne. Tout s’organise autour de lui : la pêche, les baignades, les rituels funéraires et religieux. Le travail aussi. Renoir insère des séquences documentaires dans lesquelles les hommes déchargent des cargaisons de jute, et les amènent à l’usine pour les tisser.
A travers Le Fleuve se dessine un portrait de l’Inde au mitan du XXe siècle. L’Histoire transparait en filigrane : le Capitaine John, avec ses blessures, rappelle que les cendres de la guerre, qui a ravagé l’Europe, viennent à peine de s’éteindre. Nous percevons aussi la fin d’un empire, celui de l’Inde coloniale.
Le Fleuve est un film simple et d'une infinie profondeur. Un film de voyage métaphysique.
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« Le Fleuve, qui semble être un de mes films les plus apprêtés, est en réalité le plus proche de la nature. S’il n’y avait une histoire basée sur des forces immuables, l’enfance, l’amour, la mort, ce serait un documentaire. »
Le Fleuve est un de ces films sur l'Inde que l’on aime, parce que ce que l’on y voit de l’Inde nous semble vrai : pas une image de carte postale, mais une vision de l’intérieur. Une image juste. Cela est sûrement dû à la composante documentaire, dont parle Renoir. Filmer la simplicité matérielle de l’existence fait émerger une philosophie. Les images de la vie quotidienne laissent poindre cette spiritualité, qui nous est si nécessaire aujourd’hui, nous qui avons parfois perdu le rapport à la nature.
Au tout début de l'histoire du cinéma, les frères Lumière envoyaient des opérateurs à l’autre bout du monde, afin qu'ils ramènent des « vues ». Les vues étaient des petits films documentaires. Les spectateurs de ces vues éprouvaient ce sentiment saisissant de première fois et de découverte du monde. Peut-être Le Fleuve ressemble-t-il à ces vues des frères Lumière ? Ou du moins, nous procure-t-il ce même sentiment d’une découverte authentique d’une autre civilisation.
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L’Inde a inspiré d’autres réalisateurs occidentaux. Rossellini a tourné India quelques années après Le Fleuve ; puis Fritz Lang nous a offert un diptyque majestueux avec Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou.
Enfin, pour prolonger le voyage, il y a bien sûr les films du grand Satyajit Ray, qui est d’ailleurs l’assistant de Jean Renoir sur Le Fleuve !
Film choral et aux multiples lectures, Le Fleuve est un film d'une très grande richesse, que l'on peut voir et revoir à bien des âges différents, à partir de 11 ans.
