Un ogre, pas très bien rasé, avec deux enfants vivants dans son garde-manger, veut répudier son épouse - qui n’est pas une ogresse - pour se marier avec une demoiselle qu’il tient captive dans une chapelle. Deux chevaliers partent pour le combattre : l’un a un lion, l’autre pas, et tous deux portent des pantalons en toile de Gênes à la mode de Nîmes.
Cette histoire, qui se passe de nos jours, est d’une brûlante actualité.
Le Monde vivant est un film à la fois parfaitement sérieux et délicieusement malicieux. Un film où l’on croise un chevalier au lion (prononcer chevalier-r-au lion) accompagné d’un chien et habillé en jeans, une ogresse végétarienne et même, au détour d’une conversation, Jules Ferry…
Eugène Green, le chef d’orchestre de ce monde, est un homme épris de la langue française, du théâtre baroque et d’une question qui traverse son œuvre, et tout particulièrement ce film : qu’est-ce que peut la parole ? Quels sont ses pouvoirs ?
Dans ce monde là, elle peut transformer un chien en lion, elle peut lier des amoureux à jamais, elle peut ressusciter celui qui était mort.
Alors, pour peu que l’on accepte de croire, car c’est bien de cela dont il s’agit ici, croire à ce qui est dit, croire à la parole donnée, la grâce du cinéma de Green pourra advenir. Et c’est quelque chose de merveilleux, et de rare, que nous offre ce film : la possibilité de consolider sa capacité de croyance.
Quand on ne croit plus au Père Noël ni à la Petite souris, il reste toujours la possibilité d’enchanter le monde en croyant aux histoires.
Certains n’y parviendront sans doute pas, restant à la porte de ce monde, se demandant comment diable ne pas rire devant ces personnages parlant avec une diction parfaite, méticuleuse, n’omettant aucune liaison, gardant toujours un sérieux impérial.
Mais ceux-là ne seront probablement pas des enfants.
Les enfants, eux prendront cette histoire très au sérieux.
Et c’est à cette condition seulement que ce monde deviendra vivant, que le regard s’élargira, et que devant ce film extraordinaire, on pourra rire et pleurer, s’émouvoir, se questionner, retrouver en nous un peu de cette joie enfantine de quand on croyait sans condition.
Eugène Green est un artiste touche-à-tout, cinéaste, dramaturge et écrivain, passionné par l'art baroque et travaillant sans cesse autour des enjeux de la parole.
Il explique, au sujet de sa manière de filmer très frontalement les acteurs : "Quand il y a champ et contrechamp avec amorce, le spectateur voit le personnage qui parle s'adresser à son interlocuteur. Mais quand il n'y a pas d'amorce, je mets la caméra entre les deux personnages, de sorte que le spectateur reçoit la même énergie du regard que vous recevez en parlant avec quelqu'un. Si vous parlez avec quelqu'un en ne voyant qu'un quart de son regard sous un angle oblique, ou en le voyant de dos, ce qui est le cas, pour le spectateur, dans le cadrage et montage traditionnels d'une conversation, il n'y a pas de possibilité de communication profonde, parce qu'une grande partie de l'incarnation de la parole passe par le regard dans sa plénitude. Le cinéaste a la liberté de placer la caméra où il veut : moi, j'en profite."
Juste avant Le Monde vivant et son ogre, Eugène Green a réalisé un court métrage, Le Nom du feu, qui met en scène un loup-garou. Pour Eugène Green, ces deux films "ont trait à la bête qui est en l'homme (...) La bête est une énergie, ni mauvaise ni bonne, sa valeur dépendant de ce qu'on en fait."
Lire la suite MasquerVous pouvez lire le très beau texte de Pierre Scoeller écrit pour l'ACID : http://www.lacid.org/le-monde-vivant
Le monde vivant est inscrit au catalogue du dispositif national Ecole & Cinéma. Retrouvez la fiche "en famille" sur la plate-forme Nanouk
Le Monde vivant est un film singulier qui peut être vu par des enfants dès 6 ans et sans limite d’âge. Les plus grands pourront être déstabilisés par le dispositif mais s’ils acceptent la règle du jeu, chaque membre de la famille trouvera dans ce film une occasion d’être surpris, amusé et ému. Peu de films offrent cela, alors profitez-en !