Les Lois de l'hospitalité
Rédigée par Agnès Dupuy

Les Lois de l'hospitalité

De Buster Keaton, John G. Blystone - 1h15 - 1923 (États-Unis)
Les Lois de l'hospitalité
à partir de 6 Ans

Synopsis

Avant même sa naissance, le destin du bébé Willy semble scellé : il devra tuer ou être tué par ses voisins, eux-mêmes conditionnés de la sorte par leurs aïeux depuis la nuit des temps, et peu importe si personne n’en connait plus la cause première.
Lorsqu’en cette année 1810, le père de Willy est abattu par son voisin, lui-même mortellement blessé, la mère fuit avec le petit à New-York, où sa tante lui donnera une éducation pacifique loin de ces tumultes.
Mais cela empêchera-t-il le destin de remettre Willy sur les rails de la discorde, 20 ans plus tard ?
Des rails aussi accidentés que ceux du chemin de fer qu’il va prendre pour retrouver sa maison d’enfance, et où une charmante passagère, descendante directe de ses ennemis héréditaires, va s’installer à ses côtés…

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Les aventures de cet indomptable petit homme plongé dans l’adversité la plus absurde fascinera tous les enfants. Rien ne manque à ce héros intemporel, plus courageux que Spiderman lorsqu’il s’accroche aux montagnes comme dans un cirque à ciel ouvert et saute dans le vide sans trucage numérique, et plus ardent que ce que son visage pudique se garde bien d’exposer.

La tension née du croisement entre le lourd destin dont il hérite et son tempérament pacifiste, aimant et poète, se retrouve dans la géographie des lieux et des chemins : course aérienne le long des palissades sur un vélo sans pédales, coupée par un agent qui fait passer des carrioles brinquebalantes, ou rails du train à travers les plaines luttant avec ingéniosité contre bandits, cailloux ou ânes qui croisent sa route.

D’emblée, Willy développe cet équilibre fragile entre candeur et ruse, réactivité et rêverie, dextérité et apesanteur.

Sa future dulcinée doit-elle monter dans la calèche ? À peine enjambe-t-elle la marche, qu’il est déjà à ses côtés pour la soulever avec délicatesse, balançant en même temps ses valises sur le toit… où elles se placent comme par miracle en équilibre.

Le rire croise tendresse et émotion en un instant, même dans un geste simple, telle une main placée avec agilité au-dessus de sa tête pour la protéger des secousses. Peu importe le résultat dérisoire, toute la générosité de l’acte est concentrée aussitôt.

À l’extrême beauté des cadrages épurés, des architectures ou des éléments (eau, fumée, roche, vent), répondent des acrobaties vertigineuses au rythme haletant auquel le montage participe : alternance entre plans d’ensemble (barrage qui explose ou train dans le désert) et plans très rapprochés (poisson ou corde), tempo soutenu de montages parallèles qui étirent le temps pour augmenter le suspens, et ellipses temporelles au sein d’un même plan qui au contraire le contractent.

Dans ce monde où il faut sauver sa peau à chaque instant, la présence continue des animaux constitue une reconnaissance souterraine du caractère sincère et sans fard de Willy : chien fidèle qui court après le train pour lui faire fête à l’arrivée, âne effaré, cheval indépendant, tous incarnent cette force de résistance à la bêtise humaine depuis un « autre monde », où tout événement peut arriver sans que cela ne départisse leur volonté d’aller de l’avant. 

Une leçon de vie muette.

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Pour son 2ème long métrage (après Les Trois Âges), Buster Keaton s'inspire d'une histoire réelle, de l'époque de la guerre de sécession, digne de Roméo et Juliette. Il s'agit de la querelle entre les Hatfield et McCoy, dont les noms fictifs Canfield et McKay sont largement inspirés. Le point de départ : une bagarre qui tourne mal à la suite d’un prêt d’argent non remboursé, entraînant une vendetta implacable, durant laquelle les deux familles se sont haïes. Cette guerre dura plus de 100 ans, jusqu’à un traité de paix signé entre les deux clans (soit près de 75 familles et un gouverneur) après les attentats du 11 septembre 2001, où il fallut montrer l’unité du pays au delà de dissensions internes.

Lorsqu’en 1923 il réalise ce film, tourné dans l’Oregon (près du Lac Tahoe), Buster Keaton se retrouve dans des conditions de production bien plus favorables que celles qui le contraignaient contractuellement avec les grandes sociétés hollywoodiennes, qui n’attendaient de lui que des courts métrages, dans lesquels les gags devaient s’enchaîner les uns après les autres à une cadence infernale.

Ici, il va pouvoir travailler avec sa propre équipe (et notamment sa femme de l’époque, Natalie Talmadge, qui incarne le rôle féminin du film, et le bébé du début qui est leur premier fils), dans son propre studio, avec un vrai temps de préparation, 8 semaines de tournage (et non plus 3 comme pour ses précédents films de 20 minutes) et surtout un temps de montage conséquent (3 semaines), ce qui lui permet de peaufiner sa pensée de réalisateur et de construire avec subtilité l’évolution de son personnage, au delà de ses prouesses acrobatiques. 

Le travail qu’il considérera excellent sera couronné par un immense succès public, qui lui rapportera plus d’un million de dollars de bénéfices et lui permettra d’enchaîner dix autres réalisations (de Sherlock Junior au Caméraman), avant de perdre à nouveau son autonomie artistique et laisser peu à peu - et cruellement - s’évanouir son génie.

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L’autobiographie incontournable de Buster Keaton, drôle, modeste et riche d’enseignement sur sa conception de la vie : La mécanique du rire, Buster Keaton et Charles Samuels, Editions Capricci (rééddition), 2014

Un court métrage avec Buster Keaton en « Malec », en prise là aussi avec des voisins, 5 ans plus tôt que Our Hospitalityhttps://www.youtube.com/watch?v=moghrrGuhTo

Les spectacles de cirque de Yoann Bourgeois, travaillant apesanteur, chute, rythme et mouvements, en écho avec les prouesses cinématographiques de Buster Keaton.
Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=n0zqQxz4DHs

Le dossier de presse du film, disponible sur le site du distruibuteur, Théâtre du Temple : https://theatredutemple.com/wp-content/uploads/2019/02/Les-lois-de-lhospitalit%C3%A9-Dossier-de-presse.pdf

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour le rythme haletant et les rires constants
  • 2 Pour la séquence du dîner où chacun se toise du coin de l’oeil, et où Willy va devoir trouver à chaque seconde comment ne pas sortir de la maison pour sauver sa peau
  • 3 Pour voir comment la poésie de Buster Keaton naît du croisement entre extrême précision des gags et émotion mélodramatique

Pour quel public ?

De 6 à 106 ans : à chaque âge son plaisir de découverte ou de redécouverte de ce film de Buster Keaton, dans lequel la tendresse et l’ingéniosité acrobatique s’allient pour faire sourire et tenir en haleine tout le monde.

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