Charlot sur la route
Rédigée par Agnès Dupuy

Charlot sur la route

De Charles Chaplin - 1h22 - 1915 (Etats-Unis)
Charlot sur la route
à partir de 5 Ans

Synopsis

Charlot s’évade (The Adventurer) :
Où a-t-il disparu ? Les gardiens de prison n’ont que la mer comme horizon : impossible de retrouver Charlot, ce bagnard à moustache qui se joue d’eux avec malice dans ce décor océanique. Tel un caméléon, il arrive même à se glisser dans une réception mondaine à la faveur d’un geste qui l’honore : il sauve de la noyade une mère et sa fille. Une fille belle, gentille… et dont le père est juge : autant de pôles d’attraction que de convoitise avec lesquels Charlot va devoir composer, en redoublant d’ingéniosité pour garder sa place. Y arrivera-t-il ?

Charlot boxeur (The Champion) :
Tenaillé par la faim et n’ayant qu’un chien pour ami, Charlot est prêt à tout, y compris à répondre à la petite annonce d’un boxeur cherchant des adversaires pour s’entraîner. Au pied de l’affiche, un fer à cheval. Charlot voit dans ce porte-bonheur le signe de sa réussite et n’hésite pas à s’engager pour en découdre avec le colosse. De fait, ce fer glissé astucieusement dans son gant lui permet de l’assommer, à la stupéfaction de tous. L’entraineur prend alors ce nouveau champion sous son aile, ce que Charlot accepte d’autant plus que sa fille est charmante. Mais sera-t-il à la hauteur de ce nouveau rôle ?

Charlot vagabond (The Tramp) :
Difficile de rester intègre lorsqu’on n’a pas d’argent, pas de maison, pas de travail et presque pas à manger. Néanmoins Charlot trouve le courage de défendre une charmante jeune fille à qui des voleurs ont volé ses économies… et de les lui rendre, finalement. Touchée par son geste, cette dernière le présente à son père, fermier, qui en signe de gratitude lui donne du travail sur son exploitation. Mais est-il fait pour porter de gros sacs de farine ou traire une vache ? Le retour des voleurs va-t-il le corrompre ou son amour aveugle pour la jeune fermière va-t-il lui donner sa première leçon de probité ?

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Rédigée par Agnès Dupuy
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Le plaisir de découvrir ce Charlot des débuts tient tout d’abord à son attitude « canaille » plus prosaïque que celle que l’on connaitra ensuite. 

Blagueur et malicieux, il mêle grivoiserie et amusement, tenté de piquer avec une aiguille les grosses fesses d’une dame, ou bien intéressé par le vol pour survivre, tout en restant au fond pudique, faisant dos à la caméra s’il a un vrai chagrin. 

Hésiter à faire une bêtise, jouer avec les bonnes manières, voilà qui intéressera sûrement chaque petit spectateur. Charlot profite du moindre objet qui l’entoure pour se sortir d’une impasse. Il n'y a pas de blague artificielle : le rire naît avec ce qui se trouve sous nos yeux. Il faut tout de suite trouver une réponse, composer avec les règles du jeu social et surtout être encore plus fort, plus courtois, plus malin, pour résister. 

Quand il échappe à la police dans un simple plan large où il monte les escaliers, passant sur la rambarde puis sous le piano avant même que ces derniers aient eu le temps de les escalader, le sentiment d’urgence et la nécessité de sauver sa vie dominent. Mais ce n’est pas tant grâce à ses prouesses acrobatiques géniales que par la fixité même de ce plan et l’axe choisi : en un instant le rire et l’émotion se mêlent, et rire devient une ligne de conduite. 

Devant une situation désespérée, le gag n’est plus une cabriole mais une façon d’être au monde avec élégance. Tel Charlot allongé en haut d’un rocher, ayant assommé un policier en contrebas, cherchant une pierre de la main pour fignoler son travail et dont les doigts rencontrent le soulier d’un autre policier qu’il n’a pas vu venir, contrairement à nous : au lieu de s’enfuir ou bien de se rendre, il choisit une 3ème voie, celle de recouvrir délicatement le pied malencontreux d’un peu de poussière. 

Les enfants seront sensibles à ces blagues pour conjurer la peur, car elles rendent la situation d’autant plus drôle qu’elle est effrayante, comme lorsqu’il essuie ses yeux embués avec la barbe du géant qui l’agresse, à défaut d’avoir un mouchoir sous la main. 

Sa connaissance profonde de l’être humain, son désir de reconnaissance, de séduction, sa timidité ou sa veulerie, qu’il soit riche ou pauvre, policier ou voleur, et l’aspect très visuel du film confèrent ainsi une compréhension immédiate de l’action auprès des plus jeunes, et augmente sa connivence. 

De face ou de dos, de près ou de loin, disparaissant d’un plan à l’autre, Chaplin joue de chaque cadrage, dont il connait parfaitement les limites, l’axe et les lignes de fuite, à l’intérieur d’un décor dont il discerne les moindres recoins, qu’il s’agisse de vagues sur une plage, de la terrasse d’un salon ou d’oliviers dans un champs. 

Une incroyable musicalité se dégage de l’orchestration de ses va-et-vient, qui cherchent toujours à aller plus loin dans les actions. Cette science de l’espace et ce sens inégalé du tempo sont constants chez cet amoureux de la musique, violoniste rentré dont l’exigence de perfection lui fit abandonner son rêve adolescent de devenir musicien, mais qui lui permit plus tard de composer ses propres musiques de film.

Composer avec son corps comme avec un instrument, cet admirateur venu le féliciter dans sa loge alors qu’il n’était qu’un petit acteur de music-hall, ne s’était pas trompé : « vous êtes d’instinct un musicien et un danseur » lui avait dit le gentleman. Du haut de ses 19 ans, Chaplin avait courtoisement remercié l’inconnu, se focalisant davantage sur la danseuse qui l’accompagnait. Quand il se renseigna ensuite sur l’identité de ce monsieur, il appris qu’il s’agissait de Claude Debussy...

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Les trois films réunis ici ont été tournés entre 1915 et 1917, période où C. Chaplin connait une ascension fulgurante. Les producteurs se l’arrachent, son salaire bondit et sa popularité croît à chaque comédie : les files s’allongent devant les cinémas, dans tous les magasins on vend des jouets et des petites statuettes de son personnage, les danseuses de Broadway font des numéros « à la Chaplin » en s’affublant de sa moustache et ses souliers, et les piles de courriers de fans s’amoncellent chaque jour davantage. Loin de s’assoupir sur cette vertigineuse reconnaissance à 25 ans à peine, Chaplin en profite, non sans mal, pour augmenter petit-à-petit sa liberté créatrice et parfaire son style. 

Son exigence est à la hauteur de son appétit de travail, multiforme. Il veut tout d’abord se défaire des scénarios prémâchés écris à la chaîne pour les studios, et tournés en un jour ou une semaine au plus : « tout ce qu’il me faut pour faire une comédie, c’est un jardin public, un policeman et une jolie fille », affirme-t-il à Mack Sennett qui le dirigeait alors. Pour le reste, son inspiration et son improvisation à partir d’un décor, d’un vêtement ou d’un simple gag de départ, tissent au fur et à mesure la trame de ses actions. 

Puis, il se met à stipuler sur ses contrats qu’il n’est pas question de mutiler, d’allonger ou de modifier ses films une fois terminés, essayant ainsi de garder la main sur le montage d’une oeuvre dont il a pensé le rythme interne jusque dans les moindres détails. 

Enfin, le choix de ses partenaires est également une demande de plus en plus impérieuse. Son oeil est aguerri depuis sa plus tendre enfance à l’observation des gestes et des visages de passants qui circulaient devant leur appartement de misère, et dont sa mère, comédienne, ayant peu à peu perdu la tête, commentait les postures. 

Comment alors choisir une jolie fille pour le rôle de la vedette ? Quand il arrive aux studios Essanay, aucune ne lui semble assez photogénique. Un comédien lui parle d’une demoiselle charmante qu’il croise souvent dans un café sans la connaître. Le propriétaire du bar les renseigne et rendez-vous est pris. Or cette jeune fille n’est pas du tout comédienne, elle suit des études commerciales, et elle parait triste et grave, à peine remise d’un chagrin d’amour. Néanmoins Chaplin la trouve très belle : « nous l’engageâmes quand même. Du moins apporterait-elle à mes comédies un élément décoratif. »

Ce n’est que lors d’une soirée où elle est conviée que se révèlera l’entente qui scellera leur lien indéfectible. Après le dîner, Chaplin se vante d’avoir des dons de magnétiseur et prétend être capable d’hypnotiser n’importe qui. Tout le monde le croit sauf elle, qui rit.

Il parie alors 10 $ qu’il l’endort en 60 secondes. Elle relève l’enjeu, il essaye de lui faire peur pour qu’elle se dérobe, l’assistance est inquiète, mais elle tient le pari. Il la plaque contre le mur, elle garde un sourire narquois, il la fixe intensément, tout le monde dans la pièce s’intéresse à l’expérience, un invité chronomètre le décompte, Chaplin fait deux ou trois passes spectaculaires en la scrutant, il s’approche de son visage et lui glisse tout bas « faites semblant ». Puis il reprend ses passes et scande « vous allez être inconsciente, vous perdez conscience, vous avez perdu conscience ». La jeune femme s’écroule, il la rattrape dans ses bras, on l’allonge sur un divan, et lorsqu’elle revient à elle, elle feint la stupéfaction et dit qu’elle se sent lasse.

« Alors qu’elle aurait pu l’emporter dans notre discussion et en donner la preuve à tout le monde, elle avait généreusement renoncé à son triomphe pour faire une bonne plaisanterie. Cela lui gagna mon estime et mon affection et me convainquit qu’elle avait le sens de l’humour. »

Désormais Edna Purviance serait sa partenaire sur plus de 35 de ses films, de ses premiers courts aux derniers longs métrages, et la brève idylle qu’ils eurent au départ se prolongea par un indestructible lien affectif.

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Charlie Chaplin vous parle en français … quelques secondes pour vous présenter ses débuts dans les studios californiens : https://www.youtube.com/watch?v=O_6CP9sHVyg

Un film de Charlie Chaplin qui nous montre avec beaucoup d’humour son travail dans les dits studios : https://www.youtube.com/watch?v=AhsbrDKzkXA

Un « espace enseignant » inclus dans l’incontournable site www.charliechaplin.com/fr, qui fournit présentation, matériel à télécharger et autres liens pédagogiques de référence sur Charlie Chaplin : http://www.charliechaplin.com/fr/articles/196

Edna Purviance, actrice-fétiche de Chaplin, lors d’essais où on lui demande de faire un visage gai et un visage triste pour savoir si on peut l’engager comme comédienne dans un film muet : https://www.youtube.com/watch?v=2i24fd11UcA

L’autobiographie de Charlie Chaplin, extrêmement vivante, et riche d’enseignement sur l’élégance du personnage entre les lignes de ses anecdotes :
Histoire de ma vie - Charles Chaplin (Editions Robert Laffont, 1964)

Les textes synthétiques et essentiels de A. Bazin, E. Rohmer et F. Truffaut sur Chaplin :
Charlie Chaplin - A. Bazin, E. Rohmer (editions du Cerf, collection 7ème Art, 1973)

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour le dynamisme et l’inventivité qui se dégagent de chaque scène
  • 2 Pour redécouvrir la beauté du visage d’un Charlot jeune, derrière ses postiches, et l’agilité de son corps acrobate
  • 3 Pour la lumière et la fraîcheur des décors extérieurs, dans lesquels Charlot circule, en dehors des villes où on le croise habituellement : mer, falaises, champs, campagne
  • 4 Pour la scène de séduction sur le balcon, où Charlot doit cacher à sa dulcinée qu’il a malencontreusement fait tomber une boule de glace dans son pantalon

Pour quel public ?

Pour toute la famille, des plus grands aux plus petits : tout le monde rira, mais d’un rire différent pour chacun.
Le dynamisme que développe Chaplin dans des actions courtes et pleines de rebondissement fascinera les enfants dès l’âge de 4 ou 5 ans, tandis que leurs aînés de 6 à 12 ans seront particulièrement sensibles aux oscillations entre joie et douleur que traverse un personnage à la fois très rusé et très spontané. Les adultes quant à eux ne se lasseront pas de découvrir en germe les inventions comiques de son jeu d’acteur et de sa mise en scène, qu’il ne cessera d’épurer encore par la suite.

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