Cyclone à la Jamaïque
Rédigée par Marie Horel

Cyclone à la Jamaïque

De Alexander Mackendrick - 1h43 - 1965 (États-Unis)
Cyclone à la Jamaïque
à partir de 10 Ans

Synopsis

Jamaïque, XIXᶱ siècle. Un terrible cyclone balaie l’île sur laquelle un couple de planteurs anglais s’est installée. Les parents décident d’envoyer leurs enfants par bateau en Angleterre, pour les mettre à l’abri. Mais, très vite, le bateau est attaqué par des pirates qui embarquent avec eux, sans le savoir, les enfants. A leur tête, le bourru mais néanmoins sensible capitaine Chavez. Alors que, pendant la traversée, Chavez se rapproche de la jeune Emily pour laquelle il ressent à la fois une tendresse et un désir coupable, le reste de l’équipage pense que les enfants pourraient bien leur porter malheur… Pendant ce temps, la flotte anglaise se lance à la recherche des enfants et à la poursuite des pirates. Mais qui sont les vrais pirates sur le navire recherché ? Quand les rôles s'inversent, c'est le film de genre qui est par là-même revisité !

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Humour et rébellion à babord ! Pirates et aventures maritimes : voilà des ingrédients clefs qui permettent d’associer facilement un film à l’étiquette « aventures » ou encore « film de pirates ». Mais quand Alexander Mackendrick est à la barre, une veine satirique pousse le film vers d’autres horizons.

Avec Cyclone à la Jamaïque, le film de genre est bien présent : ailleurs lointain habité par une famille de colons anglais en quête d’exotisme, figures de pirates, décors de bateau, navigation en mer rendue dangereuse par une météo incertaine, confrontations et dangers divers... L’aventure, c’est l’aventure ! Mais la présence d’enfants sur le navire et surtout la rencontre entre le capitaine Chavez et la jeune Emily donnent à ces ingrédients d’autres enjeux. Dans Cyclone, il ne faut pas non plus prendre les répliques au premier degré et encore moins les personnages pour ceux que l’on croit ! Ici, les enfants sont les pirates, et les pirates de grands enfants. Dès l’entrée des pirates dans le cadre, ceux-ci n’apparaissent pas comme des figures effrayantes : c’est en effet travestis en femmes que les pirates abordent le navire où ont embarqué Emily et ses frères et sœurs ! Quelques séquences plus loin, alors que les pirates martyrisent un petit singe qu’ils forcent à boire de l’alcool, les enfants les observent d’un regard méprisant qui condamne la cruauté de leur jeu. Lorsque Chavez lance à Zac, son fidèle co-équipier, « un bateau est la meilleure des nurseries », la phrase revêt alors à la fois une valeur ironique et une dimension prémonitoire. Car si les enfants occupent autant le cadre à l’image qu’ils sont au centre des préoccupations des pirates, ce sont eux qui vont prendre le dessus sur les pirates. Observez le regard de Chavez, le plus souvent baissé, à la fois gêné et honteux de son statut de pirate face à une Emily le plus souvent amusée et lucide ! L’équipage, superstitieux, a d’ailleurs peur des enfants, car des enfants sur un navire portent malheur ! Fausses funérailles en mer, simulacre d’abordage et de tempête, les jeux des enfants font peur aux pirates. Un bateau, c’est sérieux ! Même si Chavez et Zac essaient de raisonner leur équipage, les superstitions sont tenaces, et l’équipage se tient à distance des enfants, en même temps qu’ils cherchent à s’en débarrasser. La place singulière des enfants par rapport aux pirates n’est d’ailleurs qu’une répétition de ce qu’ils sont déjà aux yeux de leurs propres parents au tout début du film, « des petits anglais pas comme les autres », que « l’île transforme en sauvages », comme le lance leur mère, déséspérée.

Au-delà du film d’aventures, le film nous invite à une réflexion fine et transgressive sur l’apprentissage et la civilisation, ainsi que sur les relations adultes/enfants. Dans cette perspective, on peut lire le travestissement initial des pirates comme la métaphore des rapports inversés enfants/adultes. Le réalisateur est par ailleurs surtout connu pour ses comédies. Les pirates ne ressemblent tellement pas à des pirates que lorsque l’un des enfants lance avec provocation « est-ce que ces gens sont des pirates ? », Emily répond que non, en soulignant qu'ils ont dû entendre « pirates » à la place de « pilotes » ! Pourtant, plus loin dans le film, le même personnage affirmera fièrement qu’il s’agit bien de « pirates », comme pour prouver à tous qu’elle a su leur résister. Car ce qui se joue sur le navire pour les enfants, c’est un vrai apprentissage dont la fin du film dévoilera toute la cruauté. Chavez occupe alors la place d’un père pour la jeune Emily, un père… dont on peut aussi tomber amoureux ! La musique romantique qui accompagne la scène de rencontre entre Emily et Chavez donne d’ailleurs à celle-ci une dimension amoureuse. Le réalisateur Alexander Mackendrick, connu surtout pour ses satires et comédies, pose un regard grinçant sur les relations humaines pour apporter une dimension transgressive au film : qui apprend et qui éduque ? Qui est l’enfant et qui est l’adulte ? Alors quand Chavez lance aux enfants « Vous vous croyez où ? Vous êtes sur un vrai bateau ! », c’est avec désespoir, comme pour reconquérir son autorité, mais on peut aussi, pourquoi pas, imaginer Chavez comme un double du réalisateur, qui s’amuserait de sa propre (re)création.

Cyclone à la Jamaïque est un film atypique à voir absolument !

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Alexander Mackendrick est un réalisateur américain d’origine britannique. S’il ne réalise que dix films pendant sa longue carrière, c’est parce qu’il travaille d’abord dans la publicité. Même s’il estime que cette expérience lui a beaucoup apporté, il exprimera toujours du mépris pour l’industrie elle-même. Après avoir tourné des films d’actualité et des documentaires pour le Ministère de l’Information pendant la Seconde Guerre mondiale, Mackendrick réalise ensuite ses propres films. Ses films Whisky à gogo, L’Homme au complet blanc, Tueurs de dames et Le Grand Chantage permettent de voir comment le réalisateur passe de la comédie noire au drame, en passant par le film d’aventures, films et genres dans lesquels il distille toujours un humour grinçant et un esprit satirique.

Enfant malheureux, élevé par son grand-père en Ecosse, Mackendrick a été séparé tôt de sa mère qu’il n’a jamais revue et a perdu son père plus jeune encore. C’est cette enfance malheureuse qui donne sans doute au réalisateur une vision si singulière des rapports humains, entre grande humanité et humour grinçant. Le réalisateur a foi en les enfants et l'éducation (il a d'ailleurs enseigné à la fin de sa vie), mais pas forcément en l'adulte. Son idée première était d'ailleurs de raconter l'aventure de Cyclone du point de vue des enfants uniquement. Avec beaucoup d'intelligence, les dialogues en espagnol ne sont pas sous-titrés, ce qui place le spectateur dans la même position que les enfants, à condition que celui-ci ne maîtrise pas, lui non plus, cette langue!

Anthony Quinn incarne Chavez, un de ses grands rôles. L’acteur a incarné d’autres personnages qui ont marqué l’histoire du cinéma, comme Eufemio Zapata, aux côtés de Marlon Brando dans Viva Zapata, l’inoubliable forain Zampano dans La Strada, Quasimodo dans Notre Dame de Paris, ou l’exubérant Alexis Zorba dans Zorba le Grec.

James Coburn incarne Zac, le co-équipier de Chavez, qui sert d’intermédiaire entre ce dernier et le reste de l’équipage. Moins enfantin et plus lucide que Chavez, il tente souvent d’infléchir certaines de ses décisions. Ses allures de dandy et son visage ascétique, mais aussi son énergie comique autant que dramatique s’accordent autant à l’univers cinématographique de Sam Peckinpah et Sergio Leone qu’à celui de Blake Edwards.

Quant à la jeune Deborah Baxter, elle est surtout connue pour son rôle dans Cyclone à la Jamaïque pour lequel elle a reçu, à défaut d'un prix, de nombreuses louanges de la part de profession.

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- Cyclone à la Jamaïque fait partie des dispositifs scolaires d’éducation à l’image. Une fiche mise en ligne par l’association Cinémas 93 vous permet d’explorer de nombreuses ressources pédagogiques.

Vous trouverez aussi sur le site Transmettre le cinéma une analyse du film.

- Les figures de pirates et les aventures maritimes du film sont l’occasion d’aller voir du côté de la littérature jeunesse.

Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 « Si j’étais un vrai pirate », nous dit un des enfants, « il n’y aurait pas de femmes et d’enfants à bord ». Par bonheur, Mackendrick les embarque et fait d’eux de terribles pirates
  • 2 Pour découvrir un film inclassable où l’aventure se déploie vers un subtil récit d’apprentissage, où les rôles des enfants et des adultes sont inversés
  • 3 Pour savourer les jeux d’acteurs tout en finesse et en ambiguïté du capitaine des pirates Chavez-Anthony Quinn et de la jeune et épatante Emily-Deborah Baxter

Pour quel public ?

Pour la dimension satirique d’un récit d’apprentissage qui inverse les rôles enfants/adultes et distille des répliques à double sens, le film est à proposer aux plus âgés de nos jeunes spectateurs, à partir de 10 ans.

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