Dersou Ouzala
Rédigée par Nadia Meflah

Dersou Ouzala

De Akira Kurosawa - 2h25 - 1975 (Russie, Japon)
Dersou Ouzala
à partir de 10 Ans

Synopsis

Ce film relate l'improbable mais très forte amitié entre un autochtone sibérien et un topographe russe, au début du XXe siècle. Au coeur de la taïga de l'Oussouri, en Sibérie, Dersou Ouzala, chasseur solitaire et nomade depuis la mort de ses enfants et de sa femme, croise au cours de l'année 1902 l'expédition de l'explorateur russe Vladimir Arseniev, chargé de faire des relevés topographiques de la région. Dersou devient le guide de l'équipe et apprend peu à peu à Arseniev à connaître et à aimer la nature qui les environne. En échange de cet apprentissage, à la fois intuitif et proche de la superstition, Arseniev partage volontiers ses connaissances scientifiques avec son nouvel et étrange ami. Mais le temps de la séparation arrive et les deux hommes réalisent la force des liens qui les unissent désormais....

Rédigée par Nadia Meflah
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Tout à la fois film d’aventures et poème écologique, épopée humaniste et magnifique histoire d'amitié entre deux hommes, Dersou Ouzala est un grand récit de la réconciliation, essentielle et primordiale, de l'homme avec son environnement, de l'humain avec tous les êtres, au risque sinon de causer sa propre perte, voire son suicide... Dersou est un héros d'une grande humilité, sage et bon, un être exceptionnel porteur d'une humanité qui nous est fondamentale, tel un rappel de notre condition. Il est cet être universel qui vit dans une harmonie que l'homme moderne a oubliée, voire niée.

Une des plus belles surprises du film est l'amitié naissante entre ces deux hommes que tout semble séparer. Comment ne pas être touché par leur amitié ? Elle est exemplaire, car ni Dersou ni Arseniev ne perdent leur personnalité. Chacun respecte l'autre dans son altérité. Et pourtant, tout les oppose, rien ne les rassemble, si ce n'est cet amour qu'ils portent pour leur terre. Ce qui est magnifique, c'est de voir comment l'un et l'autre cheminent ensemble. Nous sommes avec eux au fil des saisons, dans ce voyage initiatique, où dans une grande partie du film la nature est omniprésente. Avec Dersou, Arseniev va apprivoiser cette Nature qui, si elle est hostile, ne l'est que pour celui qui ne la connait pas. Dersou, l'homme de la terre, va sauver un homme de la ville, un militaire dressé à faire des cartes. Si l'un redessine le monde de manière scientifique et rationnelle, l'autre le vit quotidiennement, dans une relation à la nature riche de tout le savoir accumulé au fil de sa vie. Dersou vit au plus près de la terre et des animaux, dans le respect et l'équilibre. Avec le tigre Amba, il entretient un rapport quasi animiste, comme avec les éléments que sont le feu, le vent et l'eau. Il leur parle, car pour lui tout est source de vie, tout fait sens, il n'y a pas de rupture. Tout est digne de respect. L’animisme est cette croyance aux êtres spirituels dont sont dotés tous les éléments de la nature. Il n'y a pas de différence ni de séparation, choses qu'hélàs Dersou va vivre dans sa chair lorsqu'il se retrouvera à la ville, déraciné et perdu dans un monde si codifié. Autant Dersou est en harmonie au sein de la nature, parfois sauvage, souvent rude mais aussi généreuse et équilibrée, autant il devient misérable et sans repères dans la société moderne qui classe, exclut, interdit, enferme, tout en sécurisant et exploitant les ressources de la Terre.
Nous sommes, devant ce très beau film, invités à revenir à l'essence des principes fondamentaux qui régissent notre monde. Avec Dersou, nous nous rappelons combien nous sommes connectés et combien nous ne devons pas perdre ces règles essentielles de toute vie sur Terre : protection, préservation et respect de l'équilibre de la nature et de son écosystème. L'air de rien, avec Dersou Ouzala, Akira Kurosawa signe un très beau manifeste écologique et humaniste, dont la portée universelle résonne plus encore à notre époque.

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Un récit authentique
Le film est tiré du récit autobiographique de l'officier-topographe Vladimir Arseniev, chargé par l'armée tsariste de faire le relevé de terres alors encore inexplorées dans la vallée de l'Oussouri, à la frontière chinoise.

Une résurrection cinématographique
Dodes’ ka-den, le précédent film du réalisateur japonais, fut un échec commercial. Ostracisé par les producteurs, malade, suicidaire, Akira Kurosawa s’enferma dans un long silence qu’il ne rompit qu’après avoir accepté la proposition de tourner en Russie. Kurosawa, féru de culture russe, se souvint alors de sa lecture des mémoires de l’écrivain et explorateur Vladimir Arseniev (Derzu Uzala, 1907, Dans la contrée de l’Oussouri, 1921), par ailleurs très apprécié par Maxime Gorki. L’humanisme généreux de Kurosawa avait été frappé par les qualités morales qui faisaient du chasseur mongol un vieux sage, ainsi que par la très forte amitié qui soudait deux hommes a priori très différents. Ayant obtenu carte blanche de la part des producteurs, le cinéaste put tourner sur les lieux mêmes explorés par Arseniev et donner ainsi le souffle nécessaire à la beauté de son sujet.

Akira Kurosawa sur son film
"La relation entre l'être humain et la nature va de plus en plus mal... Je voulais que le monde entier connût ce personnage de russe asiatique qui vit en harmonie avec la nature... Je pense que les gens doivent être plus humbles avec la nature car nous en sommes une partie et nous devons être en harmonie avec elle. Par conséquent, nous avons beaucoup à apprendre de Dersou."

Un acteur inconnu
Contre l'avis de ses producteurs, Akira Kurosawa imposa Maksim Mounzouk dans le rôle de Dersou Ouzala. Totalement inconnu, il tournait là son premier film. Né en 1912 et décédé en 1999, il fut tout à la fois acteur, chanteur, musicien et professeur de musique.

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Sur Akira Kurosawa
Appelé avec respect Sensei (le maître) ou l'Empereur, Akira Kurosawa est né le 23 mars 1910 à Tokyo au Japon. Pour faire plaisir à son père (issu d’une longue lignée de samouraïs), officier et professeur à l'école militaire de l'armée impériale, il apprend le kendo malgré son attirance pour la calligraphie et la peinture. Après s'être inscrit dans une école de Beaux-Arts, en 1929 il adhère à la Ligue des artistes prolétariens. Il habite pendant quelques temps à Tokyo, chez l’un de ses frères.
Son frère, Heigo, étant un célèbre benshi (commentateur de films muets), il le suit dans les salles de cinéma. Là, il découvre un grand nombre de classiques, et se passionne pour le 7ème Art. Il débute comme second assistant-directeur, écrit son premier scénario en 1940 et sort son premier film, La légende du judo, en 1943. Kurosawa est déja victime de la censure, son film est amputé d'une vingtaine de minutes. En 1948, L'ange ivre, avec son acteur favori, Toshiro Mifune, est le premier tournant de sa carrière. C'est en 1950, avec Rashomon, qu'Akira Kurosawa sera reconnu dans le monde entier. Il remporte un Lion d'Or au Festival de Venise en 1951. En 1971, après quelques échecs (notamment Dode's Ka-den) et après avoir connu la gloire, Akira Kurosawa tente de se suicider. Cette tentative échoue, et quelques années plus tard, avec le film Ran, l'auteur retrouve le chemin du succès.
Kurosawa est surtout connu pour ses films de jidaigeki comme Les Sept Samouraïs et Ran, mais certains de ses films ont également pour sujet le Japon contemporain, comme Chien enragé et Vivre.
Il se distingue notamment par une technique cinématographique qu'il a développée dans les années 1950. Il utilise des téléobjectifs, qui lui permettent de filmer les acteurs de loin sans les troubler, mais aussi la technique du volet comme mode de transition entre deux scènes. Kurosawa tourne également avec plusieurs caméras, ce qui lui permet de filmer une même scène de plusieurs angles. Enfin, il utilise remarquablement les événements naturels pour renforcer les ambiances, comme la pluie dans la bataille finale des Sept Samouraïs ou le brouillard dans Le Château de l'araignée. Malgré certains critiques japonais qui considèrent Kurosawa comme trop occidentalisé, il a été profondément inspiré par la culture japonaise et notamment le kabuki, le théâtre nô et le genre cinématographique Jidaigeki. Akira Kurosawa s'éteint à l'âge de 88 ans, le 6 septembre 1998, à Tokyo.

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour l'amour de la nature
  • 2 Parce que c'est une histoire d'amitié entre deux hommes, pleine de poésie et de respect
  • 3 Pour sa portée universelle du respect de tous les êtres vivants, de tous les éléments de notre planète

Pour quel public ?

A partir de 10 ans. Ce film est à voir en famille, et plus particulièrement avec les jeunes pré-adolescents sensibles au récit d'aventures et d'amitié, mais aussi concernés par tout ce qui concerne le respect de la nature.

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