Johnny Guitare
Rédigée par Marie Horel

Johnny Guitare

De Nicholas Ray - 1h50 - 1954 (États-Unis)
Johnny Guitare
à partir de 9 Ans

Synopsis

Intelligente, ambitieuse et indépendante, Vienna est tenancière de terres et d’une maison de jeu qui porte son nom, le Vienna’s, où elle embauche Johnny Guitare comme musicien, un homme qu'elle a connu autrefois. Devenue puissante, cette femme de tête dérange beaucoup Emma Small, sa principale rivale, elle aussi riche propriétaire. À cette rivalité matérielle vient s’ajouter une rivalité amoureuse puisque toutes deux ont un lien ou une attirance, assumé(e) ou non, avec le séduisant bandit Dancing Kid. Emma cherche à chasser Vienna de la ville suite à l’attaque d’une diligence qui se solde par la mort de son frère et pour laquelle elle tient Vienna et la bande du Kid responsables. Avec l'arrivée de Johnny Guitare, quelle tournure va prendre l’inévitable altercation entre les deux femmes ?

Rédigée par Marie Horel
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C’est avec deux femmes dans les rôles principaux que s’impose ce western considéré comme un film culte dans l’histoire du cinéma.

Né en même temps qu’Hollywood, le genre du western met en scène le mythe de la conquête de l’Ouest et sa réalité historique. Si le genre évoque une série de portraits de héros solitaires et la figure du cow-boy, qui avec son colt à la ceinture et son cheval, symbolise la nation en construction et la soif de liberté, le western est ici incarné par des protagonistes féminins. On retrouve bien, dans Johnny Guitare, les notions de conquête et de liberté fondatrices du genre, mais campées par deux femmes rivales, Vienna et Emma. Le retour de l’ancien amant de Vienna, que celle-ci embauche comme musicien dans son saloon, précipite l’affrontement entre les deux femmes jusqu’au duel final, topos du genre.

L’amour de Vienna et Johnny, qui perdure malgré l’absence de Johnny pendant cinq années, met à la fois en valeur le caractère indépendant de Vienna et sa volonté de réussir, la force et la tendresse de Johnny, mais aussi la nature du lien amoureux qui lie Johnny à Vienna : un amour fort mais qui subit les risques de l’indépendance. En effet, Vienna et Johnny s’aiment mais ont dû se séparer autrefois. Vienna a fait le pari de faire fortune avec un saloon qu’elle a construit sur le terrain où doit passer uneligne du chemin de fer, et Johnny Guitare cache sa vraie identité – il n’est pas ce musicien naïf que Dancing Kid voit en lui – et la nature de son lien avec Vienna, notamment à Kid : les deux personnages de Johnny et Vienna surplombent ainsi les autres par les risques qu’ils prennent pour eux-mêmes et pour leur couple. Le premier plan qui les introduit à l’image les représente d’ailleurs au-dessus des autres, initiant une alternance de plans en plongée et contre-plongée : Vienna, depuis l’étage de son saloon, répond aux menaces et insinuations d’Emma et ses hommes sur l’attaque de la diligence et les liens que Vienna pourrait avoir avec la bande du Kid. Johnny assiste quant à lui, depuis une falaise, à l’attaque de la diligence qui entraînera l’ordre du Marshall et d’Emma de fermer le saloon, péripétie centrale qui verra les tensions évoluer vers l’inévitable duel. Maîtres de leur destinées personnelle et amoureuse, Vienna et Johnny se veulent indépendants et attaquent ceux qui veulent voir ou croire le contraire. « Je n’ai jamais vu une femme aussi masculine. Elle pense et agit comme un homme », nous dit le croupier du Vienna’s dans une des premières séquences du film.

« Un bon tireur ne compte pas sur un trèfle à quatre feuilles », lance Vienna qui affirme, à travers cette métaphore, que le hasard n’a aucune place dans la vie, telle qu’elle la conçoit.

Nicholas Ray associe à ce personnage qui n’a pas froid aux yeux une palette de couleurs qui la rendent paticulièrement notable à l'image. Crawford-Vienna est ainsi mise en valeur par le rouge de ses lèvres, une chemise jaune ou rouge vif, ou encore une robe blanche, couleurs qui tranchent avec le noir inquisiteur des tenues d’Emma et de ses hommes. Le couple Vienna/Johnny est incarné par les immenses acteurs Joan Crawford et Sterling Hayden.

S’il est intéressant de proposer au jeune public de découvrir le genre du western avec ce film, c’est parce que la thématique de l’affrontement et de la rivalité, souvent violente dans le genre, se déploie ici de manière essentiellement psychologique. Les rivalités et règlements de compte entre les différents personnages laissent en effet le plus souvent la violence hors champ. Au-delà du film de genre, ce western revêt aussi une dimension universelle en nous parlant, à travers les personnages d'Emma et de Vienna, du bien et du mal.

Le film est aussi à découvrir pour sa musique-titre, devenue culte. Utilisée tout au long du film, la chanson est interprétée au piano par Joan Crawford elle-même, dans une des séquences finales du film. Elle a été écrite par Peggy Lee et mise en musique par Victor Young. 

Johnny Guitare est un western mythique et atypique à voir absolument !

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Si Johnny Guitare est un film culte, c’est parce le cinéma s’est chargé de le faire entrer dans la légende. François Truffaut et Martin Scorsese rangent le film parmi leur films préférés : « Johnny Guitare […] a été fait sur mesure pour Joan Crawford […] l’une des plus belles femmes de Hollywood elle est aujourd’hui hors des limites de la beauté. Elle est devenue irréelle, comme le fantôme d’elle-même. Le blanc a envahi ses yeux, les muscles de son visage. Volonté de fer, visage d’acier, […] elle est un phénomène. Elle se virilise en vieillissant. Son jeu crispé, tendu, poussé jusqu'au paroxysme par Nicholas Ray constitue à lui seul un étrange et fascinant spectacle. », dit François Truffaut. Si l’immense acteur James Dean a souhaité tourner avec Nicholas Ray, c’est parce que pour lui aussi Johnny Guitare est un chef-d’œuvre. C'est avec lui que le réalisateur tournera La Fureur de vivre en 1955, film-symbole d’une jeunesse rebelle. 

Nicholas Ray est un réalisateur, scénariste et acteur américain. Comme Elia Kazan, son cinéma est habité par la figure de l’anti-héros : il affectionne, en effet, les personnages marginaux. On peut penser bien sûr au rebelle Jim Stark dans une interprétation mythique de James Dean mais aussi au personnage de Bowie des Amants de la nuit. Avec sa beauté marginale, l’actrice Joan Crawford fait entrer l’indépendante Vienna dans cette famille de personnages.

Avec les plus grands des jeunes spectateurs, on pourra aborder le maccarthysme : le western a été tourné sous la commission McCarthy et Nicholas Ray était alors soupçonné de sympathiser avec les communistes. Les scènes qui voient Emma et Vienna s’affronter mettent en valeur les notions d’accusation et de dénonciation et leurs conséquences, notamment le lynchage et l’exil potentiel des soi-disant coupables. Cette atmosphère sombre rappelle le climat de cette chasse aux sorcières qu’ont connu les Etats-Unis dans les années 50. Si le scénario est officiellement attribué à Philip Yordan, il aurait été écrit par le « blacklisté » Ben Maddow.

De nombreux films rendent hommage au film de Nicholas Ray : quand certains personnages de films de Godard ou Truffaut vont au cinéma, c’est pour voir… Johnny Guitare ! Dans le film Des Rats et des lapins de Lewis Lurey, l’actrice Carole Laure interprète la chanson du film.

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Le genre du western est représenté dès le cinéma des premiers temps. Faites découvrir L’Attaque du grand rapide de Edwin Stanton Porter, le premier western de l’histoire du cinéma, dans le programme de courts Les Pionniers du cinéma

Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour découvrir un film de genre à travers des personnages féminins, ce qui est rare dans la catégorie « western » !
  • 2 Pour découvrir et admirer la beauté inclassable de l’immense actrice Joan Crawford qui incarne Vienna, magnifiée dans chaque plan par des tenues colorées ou le rouge de ses lèvres
  • 3 « Que tu partes, que tu restes, je t’aime. Il n’existe aucun autre homme comme mon Johnny ». Pour le thème musical resté célèbre que vous fredonnerez à l’issue de la projection, les yeux dans le vague

Pour quel public ?

Si la réalisation choisit de filmer avant tout la dimension psychologique des heurts entre les personnages, aussi parce que la violence reste le plus souvent hors champ, le film peut tout à fait être proposé au jeune public. Les nombreux personnages et leurs différends, ainsi que la mise en scène de la lutte pour le pouvoir et l’indépendance restent néanmoins complexes et rendent le film accessible aux enfants à partir de 9 ans.

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