La Mort aux trousses
Rédigée par Agnès Dupuy

La Mort aux trousses

De Alfred Hitchcock - 2h16 - 1959 (États-Unis)
La Mort aux trousses
à partir de 10 Ans

Synopsis

Roger Thornhill a un charme sans limite. Élégant, vif, drôle, publicitaire influent à la répartie imparable avec ses amis ou ses amours, il règle au millimètre tout ce qui l’entoure à New-York. Tout, sauf le hasard. Ce hasard, c’est son simple petit doigt qu’il lève incidemment dans un hall d’hôtel au moment où l’on appelle quelqu’un d’autre, un certain Kaplan. Dès lors, il est kidnappé par des malfaiteurs persuadés qu’il est bien ce Kaplan, membre des services secrets. Ils tentent de l’anéantir et seul son instinct de survie lui permet un temps de s’échapper. Devant ce cauchemar éveillé à la logique implacable, ni la police, ni son avocat, ni sa mère n’arrivent à croire à ce qui lui arrive. Commence alors une course-poursuite dans tout le pays où il ne peut miser que sur son ingéniosité pour retrouver le vrai Kaplan… s’il existe vraiment. Car s’il n’existe pas, après qui court chacun ?

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Quand on demande à Hitchcock de résumer ce film, il relate avec humour cette anecdote : « Au début, toutes sortent de choses arrivent au personnage avec une rapidité déconcertante et il n’y comprend absolument rien. Or un jour Cary Grant est venu me voir et m’a dit : « Je crois que c’est un scénario épouvantable, car nous avons tourné le premier tiers du film, il se passe toutes sortes de choses, et je ne comprends absolument pas de quoi il s’agit. »… Il ne comprenait pas le scénario mais, sans s’en rendre compte, il le disait en employant une phrase du dialogue ! » Cary Grant se retrouvait ainsi malicieusement placé au cœur des soucis de son personnage.

Même s’il peut s’avérer difficile pour un enfant de moins de 10 ans de saisir tous les rouages des fulgurantes volte-faces entre espions et contre-espions, tous seront saisis par les enjeux profonds qui se dégagent : quête d’identité et de reconnaissance, amour et trahison. En réalité, c’est le mouvement même du film qui va captiver petits et grands, et si chacun n’entend pas forcément les sous-entendus sulfureux des dialogues, tous en saisiront cependant sans effort la force irradiante. « Mais alors c’est elle la méchante ? Ou lui le traitre ? », se demanderont-ils en constatant que les méchants aussi peuvent être très séduisants, polis et élégants. « Comment va-t-il s’en sortir ? », alors que tout est réuni pour qu’il ne s’en sorte pas ?

La beauté du film réside en ce que le héros trouve des solutions qui ne sont ni le fruit d’effets spéciaux superficiels, ni celui d’un scénariste tout puissant qui le sauverait par miracle comme un magicien sortirait toujours un lapin de son chapeau. Ici, au contraire, le suspens est à son comble, et les enfants échafauderont intérieurement le moyen concret de se sortir de chaque embûche. Cette participation active est d’autant plus réjouissante que les solutions sont d’une logique imparable, comme celle trouvée par le héros qui se retrouve cerné de toutes parts dans une salle de vente très chic : toutes les sorties sont bloquées par des tueurs armés, il n’a aucune issue… sauf celle de l’intelligence.

La force visuelle du technicolor et des changements d’échelles vertigineux, liée à la musique aux accords hypnotiques de Bernard Herrmann (dont cet étourdissant fandango qui nous happe dès l’ouverture), finiront de désigner ce film comme une des expériences cinématographiques majeures des petits spectateurs.

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« C’est le seul acteur que j’ai jamais aimé de toute ma vie » dira Hitchcock de Cary Grant, un de ses acteurs fétiches.

Cette rencontre majeure débute en 1941 avec Suspicion, où il explore les côtés les plus sombres de sa personnalité et de son jeu en incarnant un mari cynique et menaçant pour sa femme, au grand dam des studios hollywoodiens qui tenteront d’user de tout leur pouvoir pour forcer Hitchcock à trouver une fin qui ne ternisse pas l’image de doux séducteur de comédie qu’avait l’acteur. Leur collaboration se poursuit avec Notorious, en 1946, où il incarne un agent secret qui semble cruellement faire passer son devoir avant sa partenaire Ingrid Bergman, et To catch a thief en 1955 où il incarne un séduisant voleur sur la Côte d’Azur.

En le faisant jouer dans La Mort aux Trousses, il révèle également son agilité corporelle, puisant en cela l’expérience circassienne de son enfance : le tout petit Cary Grant fut en effet enrôlé dans le cirque Pinder, échappant ainsi à une situation familiale douloureuse, car sa mère avait été placée en hôpital psychiatrique.

Rien de tout cela dans l’éducation austère du jeune Hitchcock… en apparence tout au moins, car sa timidité naturelle ne semblait pas être une garantie de sagesse suffisante pour l’exigence autoritaire de son père, dont on connaît l’anecdote fameuse : « J’avais peut-être 4 ou 5 ans… Mon père m’a envoyé au commissariat de police avec une lettre. Le commissaire l’a lue et m’a enfermé dans une cellule pour 5 ou 10 minutes en me disant : « voilà ce qu’on fait aux petits garçons méchants. » Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Je ne peux me l’imaginer – mon père m’appelait toujours sa ‘petite brebis sans tache‘». Effroi et solitude extrêmes devant un tel non sens, qui lui provoquera jusqu’à sa mort une peur farouche… des policiers, bien plus que des meurtriers ou psychopathes sortis de son imagination. Cet effroi persistant lui donnera un sens de l’organisation maniaque, une volonté de ne laisser aucune trace derrière lui, un goût pour le calme et l’anticipation sur chaque détail d'un film, au point de ne pas souhaiter être sur un plateau de tournage tant les indications étaient précises en amont.

Les policiers peuvent être effrayants, les méchants peuvent avoir des têtes de gentils, les scènes d’amour peuvent être filmées comme des scènes de meurtre et les scènes de meurtre comme des scènes d’amour, pour reprendre les termes de François Truffaut : « La Mort aux trousses n’y échappe pas », qui questionne la duplicité de chacun jusqu’à y perdre la boussole. Une boussole qui, comme l’indique le titre anglais du film, n’a pas de direction : « North by Northwest » est une direction qui stricto sensu n‘existe pas sur une boussole, explique Hitchcock, ravi. En empruntant également aux vers d’Hamlet « Je ne suis fou que par vent nord-nord-ouest », il y voit là la possibilité de développer une joyeuse course poursuite autour du vide, insensée, gratuite et absurde.

« Ce goût de l’absurde, je le pratique tout-à-fait religieusement » ajoute-t-il, regrettant pour ce film de n’avoir pas pu insérer une scène qu’il avait en vain travaillé : « Je me suis souvenu que nous nous trouvions au nord-ouest de New-York et que l’une des étapes du trajet serait Detroit où se trouvent les grandes usines de voiture Ford. Avez-vous déjà vu une chaîne d’assemblage ? C’est fantastique. Je voulais filmer une longue scène de dialogue entre Cary Grant et un contremaître de l’usine devant une chaîne d’assemblage. Ils marchent en parlant d’un troisième homme qui a peut-être un rapport avec l’usine. Derrière eux, la voiture commence à s’ajuster pièce par pièce et on fait même le plein d’huile et le plein d’essence, à la fin de leur dialogue, ils regardent la voiture ajustée à partir de rien, d’un simple boulon, et ils disent : « c’est quand même formidable, hein ! ». Et alors ils ouvrent la portière de la voiture et un cadavre en tombe ».

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L’incontournable Hitchcock / Truffaut, paru en 1966 chez Robert Laffont, complété en 1980 et réédité chez Ramsey : entretien-fleuve extrêmement documenté et imagé qui retrace de façon très accessible et vivante tout le parcours, le travail et la pensée du réalisateur dans chacun de ses films.

La présentation du film par Hitchcock lui-même, en tour-opérateur comique d’un voyage d’agrément (V.O.).

Un reportage sur le compositeur Bernard Herrmann, avec interventions de Claude Chabrol et de Martin Scorsese.

La fiche élève du dossier du CNC, dans le cadre du dispositif scolaire « Lycéens et apprentis au cinéma ».

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour rire à se faire peur
  • 2 Pour la tension extrême qui se dégage de chaque situation, provoquant une attente et un plaisir très forts chez petits et grands
  • 3 Pour être séduit par chaque personnage, qu’il soit gentil ou méchant - ah, les merveilleux face-à-face entre Cary Grant et James Mason !
  • 4 Pour profiter du technicolor et de la force hypnotique des perspectives fuyantes ou des précipices vertigineux, des trains qui filent, des statues géantes, des halls bondés ou des cabines rétrécies, des foules protectrices au loin ou des baisers dangereux tout près

Pour quel public ?

À partir de 10 ans pour savourer toute la complexité de l'intrigue et des retournements de situation, mais dès 8 ans pour vivre intensément le suspens de chaque séquence et être captivé par la course-poursuite à pied, en voiture, en train ou en avion à travers tous les États-Unis. Le voir en famille, petits et grands réunis, en décuple la force.

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