La vie est immense et pleine de dangers
Rédigée par Anne Charvin

La vie est immense et pleine de dangers

De Denis Gheerbrant - 1h20 - 1994 (France)
La vie est immense et pleine de dangers
à partir de 8 Ans

Synopsis

Cédric a 8 ans. Denis Gheerbrandt l'a rencontré à l'Institut Curie, dans l'unité de soins pour les enfants malades de cancer. Il a eu envie de le suivre dans son quotidien à l'hôpital, dans ses questionnements, dans ses réflexions, dans ses peurs et ses espoirs, au travers des épreuves. Jusqu'à ce que Cédric guérisse. Le film nous raconte son histoire.

Rédigée par Anne Charvin
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Il y a tout d’abord ce titre, qui sonne comme le vers d’un poème, La Vie est immense et pleine de dangers. Titre qui pourrait convenir à un grand nombre de films présents sur le site de Benshi, du Monde de Nemo à L’Eté de Kikujiro en passant par Un monde parfait. Merveilleuse phrase prononcée par Cédric dans le film et qui nous dit mieux que nulle autre ce que peut être un parcours initiatique. La découverte que la vie est immense et pleine de dangers. Et que l’on peut y être heureux. Dans le film de Denis Gheerbrandt, un documentaire réalisé au sein du service des enfants malades de cancer à l’Institut Curie, l’enjeu est à la fois le même et à la fois tout autre, puisqu’il s’agit ici, avant tout de guérir. Bien sûr, le sujet est difficile et peu de parents se risqueront à montrer à leurs enfants ce film. Pourquoi leur faire découvrir la maladie ? Pourquoi leur faire approcher la mort ? Pourquoi leur présenter un film où des enfants se battent, luttent, souffrent ? Accompagner des enfants, les aider à grandir, c’est-à-dire les aider à comprendre le Monde et à y trouver une place, c’est leur offrir le Monde dans son entier, sans secret, sans cachotterie. Un monde où la mort et la maladie existent. Et il serait bien léger de penser que les enfants nous attendent pour se poser des questions et réfléchir à ces sujets-là. Les contes, d’ailleurs, ne parlent que de cela. De l’abandon, du deuil, de la cruauté. Mais à dire vrai, il n’y a qu’une seule vraie raison de montrer ce film à des enfants, c’est parce qu’il est magnifique, lumineux, émouvant. Parce que c’est un film sur la vie, sur la famille, sur les liens qui nous unissent, sur les pas de côté que nous sommes obligés de faire parfois, et qui nous forcent à trouver en nous des forces insoupçonnées, sur la confiance, sur l’amour. Le personnage principal du film, Cédric, est malade, et il va guérir. Nous allons le suivre dans ses questionnements, dans ses moments de doutes, de peur et dans ses moments d’espoir. Le suivre jusqu’à ce qu’il demande au réalisateur, dans un superbe plan final, d’arrêter de le suivre, d’arrêter la caméra. Rares sont les plans de cinéma qui matérialisent avec autant de simplicité et d’émotion retenue ce trajet qui est celui de chaque enfant, ce mouvement d’émancipation, ces quelques pas d’éloignement qui signifient, « ça y est, je peux affronter le monde, et la vie, qui est immense et pleine de dangers. Je suis prêt. »

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Extrait d'un entretien de Denis Gheerbrandt avec catherine Schapira, passionnant (vous trouverez un plus long passage de l'entretien ici : http://www.filmsduparadoxe.com/vie.pdf)

« Un enfant parle à un homme. Cédric dit : “Je croyais que je pouvais me passer de mes parents mais je me suis aperçu que je ne pouvais pas m’en passer”, il reconnaît le lien familial et il y adhère de son plein chef, ce qui est quand même un acte étonnant. Je trouve extraordinaire d’entendre un enfant de huit ans dire “Moi, je me croyais grand et autonome et je m’aperçois que je ne le suis pas” - donc, je ne suis pas dans la toute puissance. C’est ce que j’appelle se poser en sujet. Très vite Cédric a appris à se faire une géographie affective. Les enfants savent d’une manière incroyable, avec subtilité et intelligence, à qui ils peuvent demander quoi, et de qui ils peuvent attendre quelle réponse... Cédric se pose face au cinéaste. Cela passe d’abord par la relation avec l’adulte que je suis, l’homme. Cette dimension masculine entre nous, à travers la différence d’âge, était fondamentale. D’autant que Cédric traversait une épreuve que je n’avais pas traversée. En particulier quand Cédric a été dans la chambre stérile, il a clairement mis en balance cette expérience pour contrebalancer celle que j’avais de la vie... N’était-ce pas ce que j’étais venu chercher ? Filmer n’est pas naturel. Ce qui est donné dans La vie est immense, n’est pas ma relation avec Cédric mais ce à quoi visait notre relation. Il y avait notre relation, quotidienne, avec des mots d’enfants et puis il y avait le travail du film. Cela, c’est déjà l’organisation d’une parole à transmettre, cette parole pour les autres. Au montage, travailler à l’intérieur de cette parole, couper et choisir est le prolongement d’une logique qui existe déjà dans le tournage. Revenons à l’image simple du cinéaste et de la personne filmée : autour, toute une parole, plus ou moins large, lâche: c’est la vie. À un moment on arrête : je prends la caméra sur l’épaule, je mets l’oeilleton devant mon oeil droit, je ferme mon oeil gauche et à celui qui est filmé font face un visage dont les yeux sont fermés et une caméra.
Nous ne sommes plus dans le cadre d’une relation quotidienne soutenue par le regard échangé, nous sommes dans une relation qui nous dépasse, chacun à une place spécifique. La caméra c’est le spectateur entre nous et j’ai presque envie de dire que c’est en fermant les yeux que je crée une place au spectateur, c’est paradoxal pour un cinéaste ! L’interviewer qui se place à côté de l’opérateur entretient évidemment une tout autre relation, une relation psychologique filmée par un tiers. L’imaginaire du spectateur : une traversée solitaire. Je filme seul en position frontale. Il est clair que la place du spectateur est assez particulière, quelque part par-dessus l’épaule du cinéaste. Ce dispositif, pour en revenir au scandale, induit la manière dont l’on entre dans le film et le cheminement avec ce scandale est certainement indissociable, dans l’expérience du spectateur, du rapport qui se construit avec le cinéaste. Chacun réinvestit un imaginaire qui va le faire travailler pendant toute la longueur du film, en dialogue avec le film. II arrive avec ses bagages qu’il va réinvestir mais aussi remettre en cause, plus ou moins. C’est cela son travail. Et c’est ainsi qu’il va faire l’expérience du temps de cette traversée, accompagner l’enfant, ou le cinéaste qui accompagne l’enfant : cela je ne peux trancher car l’expérience du spectateur est la seule que je ne puisse faire. Moi je l’emmène au coeur de cette aventure, j’organise le voyage. »

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Après avoir vu ce film, il faut parler. Parler avec les enfants, répondre à leurs questions, en poser d'autres, prolonger l'expérience du film par un dialogue. Denis Gheerbrandt a écrit une lettre aux enfants qui verront le film, une très belle lettre, qui prend aux sérieux leur regard et leurs questions. Vous pourrez la trouver ici, dans le dossier réalisé par le distributeur du film ainsi qu'un entretien avec le cinéaste. Nous vous conseillons vivement d'en faire la lecture : http://www.filmsduparadoxe.com/vie.pdf

Le film d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, Phantom Boy, produit par Folimage, sorti le 14 octobre 2015, met aussi en scène un enfant malade, immobilisé dans un hôpital. Le mettre en regard du documentaire de Denis Gheerbrandt pourra être une expérience intéressante pour les jeunes spectateurs et permettre d' interroger les dispositifs mis en place dans les films de fiction, a fortiori d'animation, et dans les films documentaires. Une occasion supplémentaire d'ouvrir la discussion et d'offrir un espace de parole aux enfants.

La vie est immense et pleine de dangers est inscrit au catalogue du dispositif national Ecole & Cinéma. Retrouvez la fiche « en famille » sur la plateforme Nanouk.

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Parce qu'il est très rare de voir des films qui nous parle de la vie avec autant de sensibilité et de délicatesse.
  • 2 Pour apprendre que la vie est immense et pleine de dangers mais qu'on peut y trouver sa place et être heureux.

Pour quel public ?

Le film peut-être vu à partir de 8 ans à condition d'accompagner les enfants, de regarder le film avec eux et de discuter ensuite de ce qu'ils ont vu, des questions qu'ils se posent et des émotions que cela a provoqué en eux. Il est important de bien dire aux enfants, avant de regarder le film, que Cédric va guérir. N'hésitez pas non plus à leur faire la lecture de la lettre que Denis Gheerbrandt a écrite pour eux (cf Pour aller plus loin).

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