La richesse de ce programme tient également au style d’animation de chacune des réalisatrices. Grâce à des univers forts, Marina Rosset (La main de l’ours), Sophie Roze (Les escargots de Joseph), Rebecca Akoun (Le loup devenu berger) et Andrea Kiss (Le mulot menteur) proposent aux jeunes spectateurs une véritable expérience esthétique. La forêt du mulot semble enchantée sous la main d’Andrea Kiss. Certains plans sur la rivière et les arbres au crépuscule sont de véritables tableaux impressionnistes. L’univers minimaliste du film de Marina Rosset avec sa gamme de couleurs réduite à son plus simple appareil est également d’une grande beauté. Les films de Rebecca Akoun et de Sophie Roze proposent quant à eux des univers beaucoup plus sophistiqués. Les plans fixes dans Le loup devenu berger rappellent les illustrations des livres pour enfant du début du XXᶱ siècle, bercés dans cette lumière jaune et chaleureuse. Le monde imaginaire de Joseph dans le film de Sophie Roze, quant à lui, peut faire penser à l’univers énigmatique et troublant d’un peintre comme Dali (Le chemin de l'énigme, à voir ici, par exemple), tandis que son personnage, Joseph, avec son canotier sur la tête et sans grands yeux noirs et profonds, n’est pas sans rappeler Buster Keaton, grand acteur des premiers temps du cinéma, dont on peut redécouvrir les traits et les meilleurs films ici.

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Les expressions françaises

Dans Le mulot menteur, comme tout affabulateur, le mulot sait manier la langue et use de multiples expressions pour porter ses folles aventures. On peut s’amuser à les relever : « faire sa fête à quelqu’un », « régler son compte à quelqu’un », « en mettre à quelqu’un pour son grade », « prendre le large », « ramener sa fraise », « se faire un sang d’encre », etc. 

Voici l’origine de certaines d’entre elles : 

L’expression « se faire un sang d’encre » est dérivée de l’expression « se faire du mauvais sang » qui apparaît au XVIIIᶱ siècle. Pour les médecins de l’époque, la couleur du sang était en lien avec l’humeur et l’état de santé du patient. Un sang noir comme de l’encre était associé à l’état d’angoisse.

L’expression « prendre le large », qui peut être aussi remplacer par « mettre les voiles » ou « prendre l’air » trouve son origine dans le vocabulaire maritime. Le large, c’est la mer. Prendre le large, c’est donc s’éloigner de la terre pour d'autres contrées, d'autres aventures. 

Dans Le loup devenu berger, toute la fable pourrait être résumée, comme c’est souvent le cas dans les fables de La Fontaine, par l'expression « le mieux est l’ennemi du bien ». En effet, le loup qui s’est déjà vêtu comme un homme décide en plus, pour parfaire sa mascarade, de parler, mais il aurait dû s’en tenir à l’habit pour ne pas être découvert. Dans ce cas-là, on peut dire « le mieux est l’ennemi du bien ».

Oedipe et Narcisse

Par ailleurs, on peut voir dans La main de l’ours et dans Les escargots de Joseph des formes simples introductives aux mythes anciens. La tragédie de La main de l’ours raconte l’histoire de ce jeune homme qui avance dans la forêt les yeux fermés sans savoir qu’il se fait accompagner par un ours qui plus tard sera tué par son frère, est une belle initiation à la forme tragique d’un mythe comme celui d’Oedipe.

De même, le pays des nombrilistes qui a quelque chose de cauchemardesque dans le film de Sophie Roze évoque de manière lointaine le mythe de Narcisse. À trop se regarder soi-même ou pourrait-on dire, « à trop se regarder le nombril », on risque de se replier complètement sur soi et de se fermer au monde. C’est ce qui arrive à Narcisse qui, fasciné par son propre reflet, dépérit et se transforme en narcisse.

Pour découvrir d'autres mythes, dès 6 ans, Les Métamorphoses d'Ovide de Françoise Rachmuhl illustrées par Nathalie Ragondet, ici.

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