Bart Collins, un garçon plein de vie et de d’imagination, aime jouer au baseball et jouer avec son chien Sport. Mais le jeune garçon prend aussi des leçons de piano avec l’intransigeant Dr. Terwilliker, obsédé par un récital interprété par ses élèves, son grand œuvre ! Pas de chance, la mère de Bart, qui l’élève seule, adore le Dr. Terwilliker. Seul le charmant M. Zabladowski, meilleur plombier de la ville, semble partager les doutes de Bart sur le professeur. Quand Bart s’endort sur sa partition, son rêve l’emmène dans une étrange cité où règne le démoniaque Dr. T. Son projet : kidnapper cinq cents enfants dont les 5000 doigts interprèteront un concerto sur un piano géant…
Chef d’œuvre oublié, nourri de nombreuses références, Les 5000 doigts du Dr. T est aussi une comédie musicale.
Le film s’ouvre sur un jeune garçon d’une dizaine d’années, la tête couverte d’un curieux casque, décoré d’une main jaune (« happy fingers », indique-t-il) qui circule dans un décor de cauchemar. Ce jeune garçon, c’est Bart. Traqué, le jeune garçon cherche à échapper à d’étranges hommes-lampadaires qui rappellent la milice du roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize de Takicardie du Roi et l’oiseau. Quand Bart se réveille, il prend, avec un regard caméra, le spectateur à témoin de son drame quotidien : les leçons de piano de l’affreux professeur Terwilliker. « Practice makes perfect/C’est en forgeant qu’on devient forgeron », répète-t-il sans cesse. Assez !! Les yeux exorbités, le plus souvent filmé en gros plan, en plongée ou contre-plongée, le gesticulant Dr. Terwilliker est incarné par le génial Hans Conried. Comment Bart va-t-il s’en sortir ? Le charmant et pragmatique M. Zabladowski qui répare des éviers mieux que personne, aussi bien dans les rêves que dans la réalité, va-t-il lui venir en aide ? La mère de Bart va-t-elle enfin ouvrir les yeux et voir ce professeur - en lequel elle voit un parfait pédagogue - tel qu’il est vraiment… un tyran ?
Au croisement d’influences diverses, les décors du cauchemar de Bart sont esthétiquement fous : les courbes audacieuses et distordues des bâtiments en carton-pâte, les toboggans et échelles infinis renvoient aux circonvolutions du piano géant, diabolique invention du professeur fou. Ces décors nous ramènent au monde du Roi et l’oiseau ou encore à la forêt fantasmatique d’une Blanche-Neige terrifiée, poursuivie par le chasseur. Ils rappellent aussi les décors expressionnistes du Dr. Caligari ou de Mabuse, ou ceux imaginés par Winsor McCay dans Little Nemo. Cette ville de cauchemar vient finalement s’inscrire dans un merveilleux psychédélique qui rappelle aussi le monde d’Alice ou le pays d’Oz.
Comme Le Roi et l’oiseau, le film est emprunt d’un discours politique. Il dénonce en effet la tyrannie, ici incarnée par le mégalomaniaque professeur de piano au double visage : le Dr. Terwilliker de la réalité devient ainsi le Dr. T. dans le monde fantasmatique de Bart. Mais la ville rêvée est un monde carnavalesque, où tout peut s’inverser. Si la ville est dessinée par l’architecte Bart, celui-ci est bien un enfant… Jus de cornichons, jumeaux de barbe siamoise montés sur patins à roulettes - sortes d’avatars de Humpty Dumpty dans Alice -, duel entre Zabladowski et le Dr.T. qui se transforme en performance dansée loufoque : ce ne sont là que quelques exemples d’éléments hilarants que vous trouverez dans ce film.
Enfin, le film de Roy Rowland est une ode à l’enfance. Dans cette comédie musicale marquée par une définitive bonne humeur, on chante et virevolte, on se cache dans des passages secrets, on fait une partie de pêche imaginaire ! Si le monde du Dr. T. se veut effrayant, c’est bien plutôt un cauchemar d’enfant. Avec ses toboggans souterrains et ses échelles gigantesques qui mènent jusqu’au ciel, la ville ressemble à un parc d’attractions. Bart, en plein Œdipe, voit aussi dans la figure du plombier Zabladowski, un futur père, et donc un futur mari pour sa chère maman. Bart donne ainsi à ses cauchemars le visage de ses angoisses... d’enfant !
Lire la suite MasquerLes 5000 doigts du Dr. T. est un film inspiré d’un conte du Docteur Seuss, comme L’Etrange Noël de monsieur Jack ou Le Grinch. Le film est une référence majeure pour des réalisateurs comme Tim Burton, Terry Gilliam ou encore Jean-Paul Goude.
Tony Butala prête sa voix à Tommy Rettig qui incarne Bart. Il revient sur son personnage dans ce petit film documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=Qzw97x9mUVE
Le groupe « Les 5000 doigts du Docteur K », en clin d’œil au film de Roy Rowland, joue en live sur des projections de dessins animés. Ici, au festival Europajazz en avril 2012 : https://www.youtube.com/watch?v=31Akxwwv1sQ
Lire la suite MasquerBart appartient à une communauté de personnages rêveurs comme Dorothy du Magicien d’Oz, la célèbre Alice ou encore le petit ramoneur de « rien du tout » du Roi et l’oiseau. On peut penser aussi à Max de Max et les Maximonstres, ou encore au jeune Côme du Baron perché (Italo Calvino) qui, parce qu’il refuse de manger un plat d’escargots, se refugiera dans un arbre pour ne plus jamais en redescendre. Autant de jeunes personnages à l’imagination débordante, en prise avec des angoisses qui font se mêler rêve et réalité et/ou qui construisent un monde idéal.
Et parce que les films donnent envie de lire, et les livres de voir des films, en plus des quelques titres jeunesse conseillés ci-dessous, vous trouverez les conseils de Ricochet-Jeunes. L’entrée « rêve » est celle qui me semble la plus appropriée à ce film
Pour les plus jeunes, je conseille l’univers farfelu de Claude Ponti, et, bien sûr, Max et les Maximonstres de Maurice Sendak
Pour les 8-10 ans : Le Magicien d’Oz de Lyman Franck Baum, tout Roald Dahl
Pour les 9-12 ans : De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, Peter Pan de James Barrie, Le Baron perché d’Italo Calvino (Sur son arbre, Côme vivra une vie d’homme éclairé), Wake de Lisa Mc Mann (l’histoire d’une jeune fille qui a le pouvoir de rentrer dans les rêves des autres), Passeuse de rêves de Loïs Lowry.
Je vous conseille aussi les bandes dessinées Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay (pour tous) et l’adaptation de Peter Pan par Loisel (pour les plus grands).
Du côté de la peinture, allez voir du côté des univers de Giorgio De Chirico et de Dali.
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Je conseille le film à partir de 8 ans.