Lovers and lollipops
Rédigée par Agnès Dupuy

Lovers and lollipops

De Morris Engel, Ruth Orkin - 1h22 - 1956 (États-Unis)
Lovers and lollipops
à partir de 7 Ans

Synopsis

Peggy a 7 ans, et une passion pour les animaux qu’elle observe au zoo, derrière leur cage. Elle a aussi une mère, Ann, un père, mort, et des poissons, vivants.
Quel est donc alors ce drôle de zèbre qui débarque un jour à la maison, présenté comme un ami de longue date ; ce Larry qui enflamme à nouveau le coeur de sa mère et dont la présence redistribue petit à petit la place de chacun ?
Nouveau défi et nouveau terrain de jeu pour la rieuse fillette, qui découvre que sa mère a aussi des aspirations de femme.
Nouveau défi pour Ann, qui prend à nouveau le risque d’aimer et d’y croire, comme une funambule évitant de regarder le vide sous ses pieds.
Nouveau défi pour Larry, qui n’a pas d’enfant et pense avoir rapidement dompté cette lionçonne de Peggy, tendre et rusée.
Mais n’entre pas dans la cage qui veut, et chacun se découvre des limites. Qui adoptera qui, dans ce chassé-croisé à trois au coeur de New-York ?

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D’emblée, sobriété des dialogues et force des images tissent un lien subtil entre la mère et la fille, qui transcende les violences de la vie.
Que dois-tu faire quand elle t’embête ? demande la mère à Peggy lui relatant qu’une camarade l’agace.
L’ignorer, répond la fille, tandis qu’elle change l’eau des poissons. Pourquoi ? continue la mère, dirigeant la question avec la hauteur supposée de son statut d’adulte, croyant inculquer à une enfant comment se protéger.
Parce qu’elle est malheureuse, répond Peggy qui connait la leçon… mais la dépasse en continuant à sortir les poissons de l’eau avec son épuisette : mais tu sais ce que je lui ai dit ? Qu’elle est une menteuse. Parce que c’est vrai que j’ai un père sauf qu’il est mort, finit-elle négligemment.
Les deux poissons ont changé de bol, la douleur est désignée en même temps que circonscrite.

Ce jeu de vases communicants prend toute son ampleur à l’arrivée du nouvel amoureux. Tout le film retient son souffle devant cet équilibre à trois, sans cesse mis à l’épreuve, transvasé d’un personnage à l’autre, dans ses motifs comme dans la forme même du film, et ses magnifiques renversements d’échelle.

Chaque petit spectateur se souviendra longtemps de ces perceptions visuelles fortes, où les enfants et les adultes paraissent tantôt immenses, tantôt minuscules selon qu'ils se retrouvent à côté d'une gigantesque statue ou au contraire près des roues d'une voiture. La subtile composition du noir et blanc lors des déplacements de chacun renforce avec simplicité ce jeu visuel, à l'image des rapports de force qui se nouent et se dénouent entre les personnages.

De même, le rythme de l'histoire joue de ces contrastes aussi ténus que vertigineux : le temps qui passe est tantôt court-circuité - telle la séquence devant la glace où la petite fille joue à se pomponner comme une grande aux côtés de sa mère, et où dans le même temps elle apprend que cette dernière connaissait son ami alors qu'elle n'était pas même née -, tantôt distendu, le film s'étirant pour nous faire ressentir le passage du vent dans les arbres tandis que la mère attend le retour de son amoureux.

Dans ces chassés-croisés d’amour, la vivacité rieuse et les silences de Peggy résonnent longtemps.

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Fille de Mary Ruby, actrice du cinéma muet, la réalisatrice Ruth Orkin reçoit à l’âge de 10 ans son premier appareil photo en cadeau, et se met à faire des portraits de ses amis et de ses professeurs, un peu comme la petite Peggy dans Lovers and Lollipops.

Ce goût pour la photographie la mènera plus tard à la carrière prestigieuse et primée de photographe, au cours de laquelle elle effectuera beaucoup de portraits de célébrités, de musiciens tout particulièrement, et différents reportages pour de grands magazines américains. 

Pour autant, son désir premier était de réaliser des films. Or, bien qu’ayant grandi dans le milieu d’Hollywood, les studios de l’époque ne lui donnent pas le droit de développer, en tant que femme, son art. En tant que personnalité indépendante non plus, elle qui à 17 ans prend son vélo pour traverser seule l’Amérique afin de rejoindre New York où se déroulait l’Exposition Universelle de 1939, avec ses oeuvres architecturales impressionnantes… source d’inspiration de cette séquence où la mère de Peggy visite la Statue de la Liberté avec son amoureux ?

Son 1er passage à la réalisation n’arrive qu’en 1953 avec The Little Fugitive, parcours initiatique d’un petit garçon, véritable alter ego de Peggy, persuadé à tort d’avoir tué son grand frère et fuyant son illusoire culpabilité dans le vertige des plages et de la fête foraine.

Ce premier film sera coréalisé avec son mari Morris Engels, grand photographe lui aussi, spécialisé dans les photos documentaires des habitants de New York, des enfants en particulier, et membre de la Photo League, qui comprenait parmi ses membres certains des photographes américains les plus connus du 20è siècle.

La modernité et la grande sensibilité de leur film leur vaudra le Lion d’Or à la Mostra de Venise, et la reconnaissance outre-Atlantique de jeunes gens qui perçoivent dans leur oeuvre un geste de création libérateur et révolutionnaire, qui les aidera à affirmer une nouvelle forme de cinéma : la Nouvelle Vague. Parmi eux, François Truffaut.

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- Les sites de Morris Engel et Ruth Orkin, pilotés par leur fille unique Mary Engel, qui retracent leurs carrières et permettent de voir les nombreuses magnifiques photographies qu'ils ont effectuées, à l'origine de leurs renommées mutuelles :
http://www.orkinphoto.com
http://www.engelphoto.com

- Le supplément au dvd du film Le petit Fugitif par Alain Bergala : "Le chainon manquant", qui explique en quoi l'oeuvre de M. Engel et R. Orkin est fondatrice dans l'histoire du cinéma, et dans l'irruption de la Nouvelle Vague en particulier.

Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour la drôlerie des scènes de défi de la fillette qui ne veut pas aller se coucher pour profiter du spectacle des baisers des adultes et les en empêcher en même temps
  • 2 Pour le jeu de cache-cache sur le parking de la plage où Peggy, apprentie cowgirl, met à l’épreuve le flegme de son « indien » de beau-père
  • 3 Pour la séquence de visite de la Statue de la Liberté, où les basculements géographiques entre le haut et le bas rendent palpable la montée en puissance du désir - trop près, trop loin - qui émane du couple
  • 4 Pour la sensation de liberté qui ressort de chaque plan, magnifiquement composé par la lumière naturelle comme par les déplacements des personnages qui y rentrent et sortent avec une apparente légèreté
  • 5 Pour retenir son souffle, avec Ann, lorsqu’elle attend Larry pour un pique-nique improvisé : viendra ? viendra pas ? Moment d’apesanteur d’une rare intensité où tout peut basculer

Pour quel public ?

De 7 à 77 ans, étant entendu que :
- les enfants seront, tout comme la petite Peggy, très intéressés par l'évolution et la mise à l'épreuve des liens amoureux naissants entre deux adultes, et la fragilité de cette construction au quotidien.
- les spectateurs adultes aimeront eux retrouver, à travers l'intelligence et l'ingéniosité enfantine de la fillette, le discernement qu'ils ont parfois pu perdre au fil des ans.

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