« Croyez-vous aux souhaits qui se réalisent ? ». Un grillon qui saute de foyer de foyer interpelle ainsi le spectateur à qui il va raconter l’histoire d’un souhait qui se réalise. Une nuit, ce personnage nommé Jiminy Cricket pénètre par la seule fenêtre éclairée de la modeste maison d'un petit village italien, dans l’atelier du sculpteur sur bois Geppetto. Le vieil homme y vit seul avec son chat, Figaro, et son poisson rouge, Cléo. L’artiste achève sa dernière œuvre, un pantin de bois qu’il baptise Pinocchio. Alors qu’il aperçoit dans le ciel clair l’étoile des souhaits, Geppetto se couche en faisant un vœu : que son pantin de bois devienne un vrai petit garçon…
Dans sa genèse de création et de production et pour les thèmes qui le traversent, le film Pinocchio est à la fois un film clef de l’histoire du cinéma d’animation et un récit initiatique universel.
Sorti aux États-Unis en 1940, le film ne sort en France qu’en 1946. Il est le deuxième long métrage classique d’animation des studios Disney, succédant ainsi au film Blanche-Neige et les sept nains qui a remporté un succès planétaire. Souvent considéré comme le chef-d’œuvre de Disney dans les techniques d’animation mais aussi la bande originale, Pinocchio ne fera pas, cependant, autant d’entrées que Blanche-Neige, en raison de l’actualité internationale de la Seconde Guerre Mondiale qui éclate quelques mois avant la sortie du film. Le film ne remporte pas non plus le succès attendu, peut-être aussi parce qu’il sort la même année que l’ambitieux Fantasia.
Le film constitue l’adaptation du roman de Carlo Collodi publié en 1881, une œuvre devenue best-seller, traduite dans de nombreuses langues. Si le film conserve une partie du livre, il s’en éloigne avec l’invention de personnages restés célèbres. Jiminy Cricket, le grillon-narrateur, est le compagnon adjuvant du pantin, censé ne pas le quitter d’une semelle et le conseiller quand la vie lui tend des pièges ! En insufflant la vie au pantin, la Fée bleue donne, en effet, en même temps à Jiminy la triple mission de conscience, de guide sur le chemin du devoir, et de grand chancelier de la connaissance du bien et du mal. La réplique du grillon « Quand le diable est là/Pour te créer de l’embarras/Sifflez vite vite » lance une des chansons célèbres du film Sifflez vite, vite ! / Give a little whistle. Pour devenir un « véritable petit garçon », Pinocchio, selon les mots de la Fée des souhaits, devra être brave, franc, loyal et obéissant.
Mais, la nuit passée, Pinocchio à peine humanisé, fait la rencontre du chat Gédéon et du renard Grand Coquin, qui le mèneront à la fois à l’affreux Stromboli et au Grand Cocher. À travers eux, c’est le monde de l’exploitation mais aussi les péchés de l’oisiveté et de la gourmandise que Pinocchio découvrira. Grâce à un message de la Fée bleue, Pinocchio et son compagnon pourront retrouver la trace de Geppetto, parti les chercher… avalé par Monstro, une terrible baleine ! C’est avec cette ultime épreuve que le jeune pantin pourra, enfin, prouver son courage et son honnêteté. En bravant de nombreux périls, il gagnera alors le droit de devenir un vrai petit garçon.
Si les deux étymologies possibles de « Pinocchio » avancent le sens de « petite graine » et de « brigand », c’est bien le sens d’un « récit initiatique » qu’elles mettent par là-même en valeur. Pinocchio est, en effet, le récit du parcours semé d’embûches d’un jeune pantin qui ne connaît rien à et de la vie, et qui devra donc apprendre à se méfier des inconnus et des plaisirs faciles. La marionnette est ici la métaphore de l’enfance. Ne plus être un pantin, devenir « un vrai petit garçon », c’est ici atteindre l’âge de raison. Les personnages du renard Grand Coquin et de Stromboli recouvrent le visage d’archétypes de méchants : ceux-ci peuvent ainsi rappeler un certain Fagin dans le Oliver Twist de Dickens.
« Il nous est naturel de penser que Pinocchio a toujours existé, on ne s’imagine pas, en effet, un monde sans Pinocchio », écrit l’écrivain italien Italo Calvino en 1981, pour l’anniversaire de la création du personnage, soulignant ainsi combien la figure du pantin est présente dans l’imaginaire collectif. Si Pinocchio est un récit initiatique devenu universel, c’est aussi parce qu’il renvoie à des thèmes et épisodes bibliques : les enfants transformés en baudets dans l’Ile enchantée font penser aux punitions bibliques et aux sept péchés capitaux, alors que la fin du film qui voit Geppetto avalé par la baleine Monstro puis sauvé par un Pinocchio enfin assagi, nous ramène au passage biblique de Jonas et la baleine.
Si le film de Disney reste sombre, le roman de Collodi dont il est tiré, l’est davantage. En effet, le personnage de Pinocchio est dans le roman beaucoup plus impertinent, et il est confronté à des dangers bien plus puissants. Transformé en âne, Pinocchio, jeté à la mer, retrouve son père dans le ventre d’un… requin. Si Pinocchio devient par la suite un « vrai petit garçon », c’est parce qu’il travaille et étudie avec sérieux dans l’atelier de son père. La dimension morale est donc plus forte ici. De ce conte sont nés des lieux communs universels qui sont passés dans le langage courant et que l’on dit aux enfants comme « ton nez va s’allonger si tu mens » ou « tes oreilles vont pousser comme des oreilles d’âne si tu travailles mal à l’école ».
Pour la beauté des dessins et pour le récit initiatique touchant, Pinocchio est un grand film d’animation à voir et à revoir en famille !
Lire la suite MasquerLe film a réuni une équipe de 750 artistes qui ont réalisé plus de deux millions de dessins, et utilisé près de 1500 couleurs. Comme pour certaines séquences du film Blanche-Neige et les sept nains, Pinocchio utilise les possibilités de la caméra multiplane qui permet la réalisation de vues en plongée, audacieuses en animation dans les années 40. L’outil du rotoscope a été utilisé pour l’animation de personnages rendus ainsi plus humains et réalistes. Certains artistes de l’époque mettent aussi en valeur les oreilles du chat Figaro, ou encore les mouvements de la baguette magique, particulièrement réussis. La séquence sous-marine a nécessité des effets spéciaux : deux plaques de verre ont été ajoutées entre la caméra et les plaques de celluloïd pour faire circuler l’eau entre les deux et, ainsi, renforcer l’impression d’immersion pour le spectateur.
Le film est resté célèbre pour ses chansons : en 1941, le film reçoit deux oscars, celui de la meilleure chanson originale avec « When you wish upon a star » (« Quand on prie la bonne étoile ») considérée comme la 7ème des 100 meilleures chansons du cinéma américain - et celui de la meilleure partition originale.
« Il était un fois… un morceau de bois » : ce sont les premiers mots du roman de Collodi, un conte devenu le deuxième livre le plus vendu en Italie derrière La Divine Comédie de Dante. Le livre a fait l’objet de nombreuses adaptations littéraires, théâtrales, mais aussi de chansons. La marionnette s’inspire du personnage d’Arlequin de la Commedia dell’arte.
En Italie, des pantins en bois sont fabriqués par de nombreux artisans. Dans un vieux quartier de Venise, on peut trouver de véritables marionnettes à fils entièrement réalisées à la main. Elles sont célèbres dans toute l’Italie. Carlo Chiostri est l’illustrateur légendaire du pantin.
Lire la suite MasquerLe site Ricochet propose un article et quelques lectures simplifiées de la version initiale de Collodi.
http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/39628-pinocchio
http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/22927-la-petite-boite-de-pinocchio
http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/44136-pinocchio
Le personnage de Pinocchio se retrouve aussi dans l’univers du jeu vidéo Kingdom Hearts. Distribué par Disney Interactive, le jeu permet de faire se rencontrer des personnages de manga et des personnages de Disney comme Dingo, Donald… mais aussi Pinocchio et Monstro !
Le film de Disney peut être vu à partir de 6 ans.