Portraits
Rédigée par Maryline Poux

Portraits

De Angèle Chiodo, Johan van der Keuken, Éléonor Gilbert - 1h07 - 2018 (France, Pays-Bas)
Portraits
à partir de 8 Ans

Synopsis

Espace
d'Eléonor Gilbert, France, 2014, 14 min
Une petite fille explique comment, dans la cour de son école, la répartition des espaces de jeu entre filles et garçons lui semble problématique.

Beppie
de Johan Van Der Keuken, Pays-Bas, 1965, 38 min
Beppie a dix ans. Issue d’un milieu ouvrier, c’est une vraie gamine d’Amsterdam, drôle, pleine d’esprit. Spontanée, elle raconte pendant plusieurs mois ses aventures au cinéaste qui la suit dans sa vie quotidienne.

La sole entre l'eau et le sable
d'Angèle Chiodo, France, 2011, 15 min
La sole est devenue asymétrique au cours de l’évolution. Une équipe de chercheurs tente de percer ce secret. En réalité… une jeune femme qui, sous prétexte d'enquêter sur la sole, ce miracle de la nature, filme un autre mystère du vivant : sa grand-mère.

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Rédigée par Maryline Poux
L'avis de Benshi
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L'avis de Benshi

Portraits est un programme de court métrages composé par Les enfants de cinéma et Documentaires sur grand écran pour le dispositif École et cinéma. 

Un documentaire sur une petite fille qui tente de représenter la répartition des jeux dans sa cour de récréation pour mettre à jour sa pensée, une balade inspirée sur une gamine d’Amsterdam par un cinéaste inventeur de formes, et un film de fin d’études d’une réalisatrice qui a mélangé les registres pour mettre en scène sa grand-mère tout en enquêtant sur la sole. Quelle liberté ! De style, de ton et d’expression ! Ces trois films nous donnent le sentiment réjouissant d’assister à leur création. Car dans les trois, on retrouve une complicité du sujet filmé avec l'auteur. 

A l’origine du court métrage Espace, la petite fille appelée Ni témoignait spontanément à la réalisatrice de son sentiment d’injustice, et a accepté le tournage car elle pouvait se voir dans le retour caméra. Comment expliquer que dans la cour de récréation, qui est censée "être à tout le monde", les filles se retrouvent reléguées sur les bords ? C’est Ni qui choisit de dessiner pour étayer son propos. Les figures ne sont pas forcément à l’échelle nous précise-t-elle en recherche de la justesse d’expression. L’espace de la cour de récréation se noircit au fur et à mesure de l’argumentation qui semble achopper sur un noeud.

Dans le film Beppie, Johan Van der Keuken s’amuse autant que la petite fille à la filmer sonner chez les voisins puis à courir, ou en train de regarder un cartoon, absorbée. « Elle avait dix ans et elle était le rayon de soleil du canal où j’habitais. Une vraie gamine d’Amsterdam, à la fois gentille et maligne comme un singe. » dit-il de Beppie. Une rencontre et un partage. Comme dans cette séquence de défilé militaire sur lequel le cinéaste insère des images comme issues de l’imagination de Beppie.

La réalisatrice de La sole entre l'eau et le sable, pour son film de fin d’études, a eu envie de parler de sa grand-mère et son appartement de manière ludique. La grand-mère se prête au jeu de l’enquête scientifique et apporte sa poésie, son humour, en devenant tour à tour actrice, objet d'étude ou commentatrice.

Dans les trois films, un jeu avec l’espace est proposé, jusqu’à être totalement assumé dans La sole, entre l'eau et le sable, la réalisatrice se déguisant avec une tenue de plongée pour explorer les profondeurs de l'océan-appartement ! 

La liberté qui émane de ces court métrages tient au regard porté sur les personnes filmées. Ces portraits de cinéma ne visent pas l'exhaustivité, ils ne cherchent pas à "encadrer" leurs sujets. Comme si le réel débordait du cadre, à l’image du dessin saturé de Ni. Pour nous donner à voir Beppie, J. Van Der Keuken montre d’abord des fragments d’elle, en les juxtaposant à des images de la ville. Il va aussi filmer longuement son visage pour capturer ses réactions, jusqu’à effacer ce qu’il y a autour d’elle, dans la classe ou au cinéma. A d'autres moments, la caméra se rapproche ou s'éloigne d'elle comme si c'était l'oeil même du cinéaste. Puis le portrait s’achèvera avec l’interview croisée de ses parents sur deux musiques différentes, voire dissonantes. Et plus étonnant encore, il filme Els, une amie de Beppie, qui vient le voir pour se plaindre d’avoir été coupée au montage. Dans Espace, la réalisatrice choisit de garder ses propres questions dans le film, et montre la petite fille qui s’écroule presque sur la table, à bout d'arguments ou de solutions pour régler le problème d'"occupation" du terrain et le faire comprendre aux autres, camarades ou éducateurs. Et enfin dans La sole entre l'eau et le sable, le mélange des genres très singulier touche par son application et sa fantaisie pudique. On entend les commentaires de la grand-mère qui rappelle parfois la réalisatrice à la réalité.  

Ces Portraits sont une occasion de voir des images du féminin à rebours des clichés. Mais c'est surtout la relation au vivant qui nous subjugue dans ces trois films avec une impression d'indécidabilité et de fugacité. Le programme fait penser à des kaléïdoscopes. Comme les couches de sédiments évoqués dans le film La sole… ou les touches d'un tableau impressionniste, les émotions des personnalités filmées forment de beaux portraits tout en nuances.   

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Sur le film Espace, la réalisatrice explique comment elle a travaillé avec Ni :
"Ce qui m’a intéressée c’est la manière dont cette petite fille a cherché à trouver des solutions pour faire évoluer une situation installée, voire ancrée et figée, de répartition de l’espace et des jeux selon les sexes. Face à elle je me suis placée comme interlocutrice en situation d’écoute ; j’ai simplement essayé de recevoir au mieux cette parole.
Ce film répond aussi à des questions qui me traversent sur la difficulté à faire émerger comme problème ce qui n’a pas encore été défini comme tel par la société.
Quand je lui ai montré les rushs, elle m’a dit : « Il y a des choses que j’ai oublié de dire, il faudra qu’on re-filme». Et sur le coup, je ne me suis pas jetée sur ma caméra, parce que je trouve qu’il y a toujours un truc bizarre en re-filmant, je n’avais pas envie de soutirer des choses à tout prix. J’ai attendu un peu et finalement elle ne voulait plus re-filmer. Par contre, elle m’a demandé de revoir un peu le montage, parce qu’elle trouvait que dans le premier montage que j’avais fait, elle disait beaucoup « les garçons ceci, les garçons cela », et son but était de raconter le problème d’une situation, un peu un problème de territoire. Garçons-filles certes, mais où chacun est enfermé dans un manque de mobilité par rapport à son sexe. Le but n’était pas d’accuser une partie. Donc j’ai suivi son conseil."

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Portraits est inscrit au catalogue du dispositif national École et cinéma. Retrouvez la fiche « en famille » sur la plateforme NANOUK.

Sur Espace
Un article de la revue Bref : https://www.brefcinema.com/blog/cahier-critique/espace-d-eleonor-gilbert.html
Sur le site Matilda, le travail d'une géographe sur la répartition par genres dans une cour de récréation d'un collège : https://matilda.education/app/course/view.php?id=218
et un article qui le complète : https://www.nouvelobs.com/rue89/20170214.OBS5312/egalite-filles-garcons-et-si-on-effacait-les-terrains-de-foot-des-cours-de-recre.html

Sur Benshi, la fiche sur La sole entre l'eau et le sablehttps://benshi.fr/films/la-sole-entre-l-eau-et-le-sable/712

Sur Beppie
Une interview de Johan Van Der Keuken https://www.sabzian.be/article/entretien-avec-johan-van-der-keuken-dans-cahiers-du-cin%C3%A9ma
Sa filmographie : http://www.docsurgrandecran.fr/propositions/johan-van-der-keuken-oeil-vif-sur-monde

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Trois films de jeunes réalisateurs qui expérimentent dans un format court
  • 2 Trois films qui se construisent avec les personnes filmées en s’aventurant dans l’espace du réel
  • 3 Trois portraits qui débordent du cadre

Pour quel public ?

A partir de 7/8 ans pour accéder à la richesse du contenu et l'hybridation des formes.

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